Vendredi Saint (B) – 29 mars 2024 –

« Tout est accompli ».  Dernière parole de Jésus avant qu’il n’expire dans la passion selon saint Jean. « Tout est accompli » : la vie de Jésus semble définitivement finie. Mise au tombeau de Jésus.

Pourtant, dans la nuit de la souffrance du mal et de la mort, dans l’horreur de la condamnation et du supplice, saint Jean donne à voir la puissance de la résurrection qui est à l’œuvre. Dans son évangile, à la différence de ceux de Luc, Marc ou Matthieu, la croix de Jésus est une croix glorieuse. Le chemin du calvaire du Christ est chemin de glorification. Pour celui qui sait voir et entendre, la passion de Jésus dans le quatrième évangile signe déjà la victoire du Fils de Dieu crucifié sur le mal et la mort.

Ainsi, frères et sœurs, lorsque Jésus interroge la troupe qui vient l’arrêter dans le jardin de Gethsémani, Il lui dit « C’est moi », et les gardes, les soldats, les chefs des prêtres et les pharisiens sont jetés à terre, signe de la puissance du Nom de Jésus. Quand, au pied de la croix, les soldats ne parviennent pas à déchirer la tunique sans couture de Jésus, ils sont l’image de la communion du Christ plus forte que toutes les divisions.

Jean raconte aussi la venue de Nicodème au tombeau. Quand Nicodème s’approche, il vient à Jésus, les bras chargés d’une énorme quantité de parfum, un mélange de cent livres ! C’est là une offrande digne d’un roi. Le tombeau n’a jamais servi, il est tout neuf, vierge pour une première naissance dans un jardin, comme un jardin de Paradis.

« Tout est accompli ».  Dans la mise au tombeau, l’histoire de Jésus semble repliée pour toujours. C’est la fin tragique de la vie de Jésus. Sur la croix, le Christ a donné encore tout ce qu’il pouvait donner, sa vie à ses frères, sa mère à ses disciples, son Esprit à son Père, comme il s’est donné chaque jour dans sa vie.

« Tout est accompli ».  Le don de la vie de Jésus s’est-il donc épuisé dans sa mort ? La mort est-elle le point final du don de la vie ?

Saint Jean laisse entrevoir qu’en Jésus le crucifié, la vie divine travaille encore. Du côté transpercé de son corps, coulent l’eau et le sang, le don de l’Esprit, la source inépuisable de la grâce et de l’amour. Le signe est là que l’amour de Dieu ne cesse pas de continuer son œuvre en Jésus, l’épuisé du don.

Un grand passage s’accomplit mystérieusement en Lui. La mort semble tout emporter, mais elle est en passe d’être traversée. Extraordinaire Nouvelle pour l’humanité, l’amour de Dieu en Jésus crucifié Ressuscité se donne encore par-delà la mort. En Jésus, l’Amour divin ne s’est pas épuisé. Il se livre à nous aujourd’hui !

Frères et sœurs, quand la mort s’annonce, les hommes et les femmes ont souvent le cœur partagé entre la tristesse et l’espérance. Cette incertitude, beaucoup l’éprouvent aussi devant notre monde qui ne sait plus très bien où il va. Est-ce la nuit ou le jour qui vient ? Qui l’emportera des forces de la mort ou de la vie ? Est-ce la logique de l’exclusion, du gaspillage, du chacun pour soi, de la violence et du mépris pour la vie quand elle semble devenue inutile, qui gagnent ? Ou bien est-ce l’esprit de solidarité et de sobriété, le désir du dialogue, la quête spirituelle qui progressent en nous ?

Le don de la vie serait-il épuisé ? Tout est-il achevé, terminé ?

La passion de Jésus dans l’évangile de Jean nous convie ce soir à l’espérance. Elle nous appelle à reconnaître dans nos nuits les signes annonciateurs de la victoire de Pâques. Elle nous exhorte à croire en la puissance de l’amour de Dieu plus fort que le mal et la mort. Croire que lorsque les hommes s’épuisent d’amour, l’impossible de Dieu travaille.

« Tout est accompli ».

Ce vendredi saint, nous allons nous approcher et nous placer sous la lourde croix de Jésus. Nous vénérerons le signe de l’amour divin donné jusqu’au bout en Jésus. Et nous pourrons lui confier toutes les vies épuisées d’amour. Nous les remettons entre les bras du crucifié ressuscité afin qu’elles renaissent dans l’espérance de leur fécondité en Dieu.

La Résurrection du Christ est leur avenir.

Amen.

Homélie de Mgr Laurent Le Boulc’h