Solennité du Christ, Roi de l’Univers (C) – 23 novembre 2025
Lectures du jour : AELF
Quel étrange roi, que Jésus! Quel étrange sacre que la crucifixion de Jésus ! Quelle étrange
couronne que celle que les romains ont faite avec des branches d’un buisson d’épines !
Un roi sans courtisans, tous les disciples se sont enfuis, il n’en reste qu’un et Marie.
Un roi à l’agonie sur la croix, roi sacré par l’occupant, par Rome, par Pilate, proconsul de César à
Jérusalem. Au dessus de la tête du Christ, un panneau cloué sur lequel Pilate a fait écrire en
grec, en latin et en hébreu : Jésus de Nazareth, roi des juifs, les lettres de noblesse du
Christ.
C’est une parodie monstrueuse que cette monarchie et Jésus sur la croix est la négation
totale de ce que peut être un roi. Quel est donc le sens de l’expression : Christ- roi de
l’Univers ? Et que signifie cette autre expression : Royaume de Dieu ?
Roi, royaume, monarchie, ce sont des catégories politiques et Israël a connu une apogée
politique sous le règne de David. Il semblait bien pour le peuple d’Israël que ce royaume
accomplissait la promesse faite par Dieu à Abraham. David a été choisi par Dieu pour être
le roi, le grand roi. Samuel, le prophète, sous l’inspiration divine désigné David.
Et voilà que tout allait recommencer avec Jésus. Jésus allait reconstituer le royaume
d’Israël, chasser l’occupant romain, unifier les différentes provinces, ce serait de nouveau
l’apogée politique d’Israël.
Mais rien ne se passe comme le pense la foule qui suit le Christ. Jésus sépare le temporel
du spirituel en affirmant qu’il faut rendre à César ce qui est à César, c’est-à-dire qu’il faut
payer l’impôt à Rome. Il demande à Pierre de remettre son épée au fourreau lors de son
arrestation. Pourtant, cela aurait permis à Jésus de s’enfuir. Mais non, Pierre range son
épée et Jésus se laisse arrêter : la révolte ne se produira pas. Judas dénonce Jésus pour le
contraindre à se dévoiler et à lancer le mouvement qui libèrera le pays de Rome. Mais
Jésus se soumettra au verdict de son procès. Et nous nous retrouvons au pied de la croix
avec Jean et la mère de Jésus, Marie, aisi que les soldats romains. Nous retrouvons ce roi
crucifié entre deux malfaiteurs : comble de l’abaissement, comble de l’humiliation.
Le projet politique de faire de Jésus un grand roi a échoué.
Et pourtant, le Royaume est établi, le royaume de Dieu annoncé par Jésus. Et nous y
sommes en plein.
C’est un royaume bien particulier en cela qu’il n’est pas une organisation politique avec
distribution et répartition des pouvoirs. Parce que tout le pouvoir de ce royaume est entre
les mains du Christ. La lettre aux colossiens entendue tout à l’heure nous l’a
dit : « Puissances, souverainetés, dominations tout est créé par lui et pour lui » Et nous
membres de ce royaume, nous sommes tous démunis de tout pouvoir les uns sur les autres.
Nous aurions du pouvoir dans ce royaume ou règnerait l’inégalité entre nous, la
domination de certains sur d’autres et donc l’asservissement de certains par d’autres.
Cette absence de pouvoir fait naître la plus belle chose qui puisse exister entre nous: la fraternité
dans le Christ. Cette fraternité qui n’est autre que l’égalité. Oui, c’est parce que nous
sommes dépossédés de tout pouvoir que nous sommes frères et sœurs dans le Christ. Et
l’égalité qui caractérise nos relations se fonde sur le fait que toutes et tous nous portons
l’image de notre créateur. Cette fraternité et cette égalité peuvent alors nous permettre de
vivre la plus belle des relations entre nous : l’amour tel que le Christ nous le commande.
Bien-sûr dans une famille, il y a une hiérarchie entre les frères et les sœurs. Et parfois,
souvent même, l’ainé-e fait sentir aux autres qu’il ou elle est l’ainé- e.
Mais dans la fraternité chrétienne de ce royaume, il ne peut y avoir de hiérarchie : comment
s’établirait-elle ? En fonction de la qualité de foi ? Certains/certaines seraient de meilleurscroyants que d’autres ?
Et surtout, qui établirait cette hiérarchie ? Seul Jésus pourrait le faire.
A chaque fois que les disciples ont tenté de savoir qui était le meilleur, le premier,
Jésus a invalidé cette manière de penser. Il prend un enfant et le met au milieu d’eux en le
désignant comme le premier dans le Royaume. « Le Royaume des cieux est pour ceux qui
ressemblent à un enfant » est-il écrit chez St Luc.
Oui, le royaume est commencé, nous y sommes rentrés, il est déjà là. Et en voici le signe :
nous prions les uns pour les autres, nous demandons pardon, nous nous reconnaissons
pécheurs les uns devant les autres lors de cette belle prière de contrition : je reconnais
devant vous frères et sœurs que j’ai péché… Dans ce royaume, nous tentons de vivre en
vérité avec nous-mêmes et avec les autres. Dans ce royaume, chacun de nous peut vivre
pleinement son humanité, sans affectation, sans honte, sans hypocrisie : comme un enfant
vit en toute transparence. Une vie libre, sans calcul ni concurrence.
Cet étrange royaume ou le dernier des moins que rien est le premier devant Dieu. Oui, cet
étrange royaume où chacun et chacune se fait serviteur ou servante de son prochain. Cet
étrange royaume ou le roi se fait proche de celle/celui qui demande de l’aide.
Au malfaiteur qui demande à Jésus de se souvenir de lui dans son royaume,
Jésus immédiatement répond à sa demande et lui annonce qu’il entrera avec lui dans son
royaume. Sans le juger pour ce qu’il a fait.
Le Christ est le seul roi qui sait lire dans les cœurs.
Jésus est un roi qui se fait proche de ses sujets, un roi qui vit au milieu de ses sujets et qui
parcourt les chemins entourés de ses sujets. Ce roi se confie à ses sujets en se faisant tout
petit enfant.
Un roi qui se fait nourriture spirituelle pour ses sujets afin que toutes et tous aient la vie
éternelle en partage.
Un roi qui acceptera de mourir pour ses sujets afin que tous aient le pardon pour leurs
péchés et la vie éternelle
Ce royaume n’est pas fait de nations qui s’opposent les unes aux autres et se font
concurrence ou bien la guerre.
Ce royaume rassemble l’humanité toute entière qui pourra vivre dans la paix.
Car tout par le Christ est enfin réconcilié et la paix par la mort et la résurrection du Christ
peut régner, la paix pour tous les êtres sur la terre et dans le ciel.