Solennité de la Toussaint – 1er novembre 2024-
Tous ensemble, réjouissons-nous dans le Seigneur,
célébrons ce jour de fête en l’honneur de tous les saints.
Les anges se réjouissent avec nous de cette fête ;
ils en glorifient le Fils de Dieu.
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Apocalypse 7 2-4.9-14 I Jean 3, 1-3 Matthieu 5, 1-12a
A chacun son saint de prédilection : pour retrouver les clés qu’il a perdues, l’un invoque St Antoine ; pour que rien n’arrive sur la route ou à sa voiture l’autre prie St Christophe, parce qu’il n’a rien révisé en vue de ses examens ou parce qu’il doit faire face à une cause désespérée un autre encore implore Ste Rita…
Chacun prie son saint de prédilection pour ses besoins immédiats et personnels, mais avouez que c’est plutôt réducteur de ce qu’est la sainteté.
Il faut d’abord se rappeler deux choses : que Dieu seul est Saint et aussi que nous sommes tous appelés à la sainteté, « Soyez saints, vous aussi, comme votre Père céleste est saint », demande Jésus.
Oui, la sainteté est notre vocation de baptisés, de chrétiens.
La grande foule, la multitude des bienheureux que nous célébrons en cette fête de la Toussaint sont des gens comme nous, faits de la même pâte humaine, avec leur tempérament, leurs imperfections, leurs contradictions, leurs failles même et leurs péchés ; marqués, comme nous, par toutes sortes de conditionnements : culturels, éducatifs, sociaux et le contexte propre à leur génération.
Ces hommes, ces femmes, ces jeunes, ces enfants de tous les temps sont saints parce qu’ils ont pris au sérieux leur baptême ; parce qu’ils se sont efforcés de mettre en pratique l’Évangile parfois jusqu’au don de leur vie ; parce qu’ils ont reflété quelque chose du Visage de Dieu ; parce qu’ils ont mis en œuvre dans leur vie ces Béatitudes dont nous venons d’entendre la proclamation, béatitudes qui sont le programme de vie de tout baptisé, « la carte d’identité du chrétien » dit le Pape François.
Les saints restituent, à chaque siècle, à chaque époque, et selon des besoins toujours nouveaux, le Visage éternel du Dieu trois fois saint.
Sans eux, le message évangélique aurait perdu de sa saveur et de sa vitalité.
S’ils sont saints ce n’est pas parce qu’ils sont parfaits ou des héros dont l’exemple est inimitable mais ils sont saints parce qu’ils ont laissé l’Esprit de Dieu faire en eux une œuvre de purification, de guérison, de conversion, de sanctification qui leur a permis de s’ajuster à Dieu, de suivre le Christ en étant comme Lui doux et humbles de cœur, miséricordieux, assoiffés de justice, artisans de paix, compatissants.
Les saints, hier et aujourd’hui, sont indispensables parce qu’ils actualisent la Présence de Dieu et la reflètent au cœur de notre histoire humaine.
En cette grande fête d’aujourd’hui, l’Église ne veut pas seulement nous faire admirer le long cortège des saints et saintes de tous les temps qui ont marqué l’histoire de l’Église et qui figurent chaque jour au calendrier. Mais l’Église veut aussi célébrer en ce jour les saints et les saintes qui n’ont pas laissé leur nom dans l’histoire, qui n’ont pas été portés sur les autels mais qui, jour après jour, humblement ont accompli leur tâche, selon leur vocation d’époux et de parents, de consacrés, de missionnaires ou de pasteurs, ou encore de simples fidèles-chrétiens, dans l’ordinaire de leur existence faite de joies, d’épreuves, de difficultés, de souffrances…
Cette fête de la Toussaint nous rappelle donc que notre vocation de baptisés est d’être, chacun à notre manière, selon nos facultés, notre tempérament, notre appel particulier, (d’être) reflet de Dieu, reflet du Christ. Concrètement, ça signifie que nous devons prêter au Seigneur notre visage, nos mains, notre sourire, notre accueil, notre bonté, notre amitié, notre générosité, en un mot toutes ces choses simples mais belles qui transfigurent la vie et lui donnent de l’éclat.
Il s’agit discrètement de payer de notre personne et d’apporter partout où nous vivons et où nous allons le visage de l’espérance, du courage, de la joie, de la beauté et de la paix intérieures. Selon la belle expression de St Paul, nous sommes les ambassadeurs de Dieu, quelle magnifique vocation !
Si nous vénérons les saints, ce n’est pas seulement pour commémorer les « héros » d’une histoire passée et nous émouvoir des fiorettis attachées à leur légende, mais nous les vénérons pour en prendre la suite parce que le Seigneur, à travers nous, veut manifester aux hommes de ce temps son inépuisable Amour.
Madeleine Delbrêl, laïque des temps modernes au 20ème siècle, écrivait ceci : « Il y a des gens (les consacrés) que Dieu prend et met à part… Il y en a d’autres que le Seigneur laisse dans la masse, qu’il ne retire pas du monde… Nous autres, disait-elle, nous autres, gens de la rue, croyons de toutes nos forces que cette rue, que ce monde où Dieu nous a mis, est pour nous le lieu de notre sainteté ».
Père Christian Portier