Rentrée des étudiants et Jeunes pros – 24 septembre 2024

Textes du jour : Pr 21, 1-6.10-13 ; Ps 118 (119), 1.27, 30.34, 35.44 ; Lc 8, 19-21

Dans les évangiles,
Il y a des paroles de Jésus qui paraissent bien sévères.
Je pense aux discours très durs qu’il donne aux scribes et aux pharisiens,
mais aussi à des paroles rudes qu’il adresse à ses parents.

Cela commence dès l’âge de 12 ans.
Marie et Joseph rentrent avec les gens de Nazareth
d’un pèlerinage à Jérusalem.
L’enfant Jésus est absent de la caravane.
Après une journée de marche, ses parents s’en aperçoivent.
Après trois jours de recherches inquiètes,
ils le retrouvent dans le temple de Jérusalem,
en grande discussion avec les docteurs de la loi qui s’étonnent de sa sagesse.
Quel soulagement, mais aussi quelle interrogation douloureuse
pour Marie et Joseph !
« Mon enfant, pourquoi nous as-tu fait cela ?
Vois comme ton père et moi, nous avons souffert en te cherchant ! »,
demande Marie.
Et la réponse de Jésus est déconcertante :
« Comment se fait-il que vous m’ayez cherché ?
Ne saviez-vous pas qu’il me faut être chez mon Père ? »
Luc raconte que Joseph et Marie « ne comprirent pas ce qu’il leur disait ».

Dans le récit de l’évangile de ce soir,
Jésus, de nouveau, a des mots durs pour ses parents.
Sa mère et ses frères veulent le voir,
et Jésus leur fait dire :
« Ma mère et mes frères sont ceux qui écoutent la parole de Dieu,
et qui la mettent en pratique. »

Dans les évangiles donc, le Christ prend souvent distance avec sa famille.
Jésus n’est en rien prisonnier de ses liens familiaux.
Il témoigne au contraire d’une liberté extraordinaire,
libre de tout attachement,
capable donc de se donner pleinement à tous.

Chaque être humain est appelé à grandir en autonomie
en prenant une certaine distance avec ses parents.

Chers jeunes,
j’imagine que pour beaucoup d’entre vous
l’entrée dans la vie étudiante et professionnelle
a été, ou est encore une étape importante de l’apprentissage
à vivre en plus grande autonomie,
dans la liberté de tisser d’autres liens qu’avec ses proches.

Le témoignage de Jésus dans l’Évangile fait allusion à cela.
Mais il va plus loin encore.

Si l’évangile encourage à grandir dans une liberté personnelle,
il n’appelle pas pour autant à rompre les relations familiales.
Joseph et Marie demeureront toujours les parents de Jésus.
Jésus prendra soin de sa mère jusqu’à son dernier souffle
quand, sur la croix, il confiera Marie à Jean le disciple bien-aimé.
L’évangile ne méprise pas les relations familiales,
mais il les ouvre à plus grand qu’elles.

Jésus reconnaît le rôle décisif de ses parents,
Il sait ce que Marie et Joseph ont permis d’engendrer en lui.
Il rend grâce pour tout ce qu’ils lui ont transmis.
Grâce à eux, l’enfant Jésus a été éduqué
dans la morale et la sagesse juive des proverbes,
dont nous avons entendu quelques préceptes dans la première lecture.
Jésus doit beaucoup à ses parents.

Et cependant, Jésus annonce clairement à ses parents
qu’il n’est pas totalement leur enfant.
Il est aussi le Fils du Père :
« Ne saviez-vous pas qu’il me faut être chez mon Père ? »

C’est de Lui, le Père du ciel, que Jésus reçoit le fond de son être.
Sa relation d’enfant avec Dieu, Dieu né de Dieu,
comme l’Église le proclame dans le Crédo
est constitutive de l’être essentiel de Jésus.
Sa relation au Père est la source et la nature la plus profonde de son être.
Fils de Dieu : c’est là ce qui fait son identité la plus profonde,
ce qui le porte en avant et façonne sa vie d’homme,
ce qui lui donne une énergie, un souffle, une liberté unique !

Dans le récit de l’évangile de ce soir,
Jésus ne renie pas sa famille.
Il ne coupe pas les ponts avec sa mère et ses frères, autrement dit, ses cousins.
Jésus ne déclare pas que ceux-ci ne sont plus sa famille.
Et cependant, le Christ ouvre sa famille de sang
à beaucoup plus large qu’elle.
Il ouvre sa parenté à une autre parenté,
la parenté de « ceux et celles qui écoutent la Parole et la mettent pratique ».

Jésus appelle sa mère et ses frères à entrer dans ce cercle nouveau.
Que surtout, ils ne restent pas en dehors !
Qu’ils entrent dans le cercle des disciples
«de ceux et celles qui écoutent la parole de Dieu, et la mettent en pratique. »
Qu’ils n’hésitent pas à former avec eux sa nouvelle famille !

Frères et sœurs,
en méditant avec vous ce soir l’Évangile de Jésus,
j’entends comme un appel à approfondir
ce qu’est pour nous la vie chrétienne.
Qu’est-ce donc qu’être chrétien pour vous ?

Un chrétien, une chrétienne,
c’est un fils et un frère,
une fille et une sœur !

Comme tout être humain, un chrétien
a reçu son existence d’un père et d’une mère.
Il a reçu d’eux une certaine éducation, avec bonheur souvent,
avec douleurs quelques fois.
Un chrétien se reconnaît né de ses parents,
mais surtout, et c’est ce qui fait son originalité,
un chrétien se reconnaît enfant de Dieu.

Le sacrement du baptême transforme les êtres en chrétiens.
La plongée et la sortie des eaux du baptême est pour eux
nouvelle naissance dans l’amour de Jésus.

Chers jeunes chrétiens, par le baptême, vous vous êtes unis au Christ,
passant avec Lui de la mort à la vie.
Le Christ vous a introduits dans sa relation de fils avec le Père.
En Lui, vous êtes devenus des enfants de Dieu par adoption,
appelés à vivre une existence nouvelle, une existence filiale.

Être chrétien, c’est vivre dans le Christ comme un enfant de Dieu.
C’est nous laisser éduquer, façonner par l’Amour du Père dans l’Esprit Saint !
C’est trouver dans une relation croyante à Dieu
une immense réserve d’amour et de confiance,
de justice et de pardon, d’espérance et de vie.

Un chrétien appartient à une famille humaine.
Et cependant, par la grâce des sacrements
du baptême, de la confirmation et de l’eucharistie,
le chrétien entre dans une nouvelle famille.

Il entre dans la grande et large famille de l’Église,
la communauté fraternelle de tous ceux et celles
qui écoutent la Parole de Dieu et la mettent en pratique.

Chers étudiants ou professionnels,
rassemblés dans la cathédrale Notre Dame de la Treille,
vous formez ce soir avec toute l’Église,
l’immense famille de Jésus, frères et sœurs
qui écoutent et mettent en pratique la Parole de Dieu.

Chers jeunes,
vous avez voulu ce soir placer le commencement d’une année nouvelle
sous le signe de la prière en célébrant l’eucharistie
dans la cathédrale Notre Dame de la Treille.
Je suis très heureux de vous y accueillir
au nom de toute l’Église de Lille pour prier avec vous
et confier chacune de vos existences au Seigneur.

Jeunes frères et sœurs dans le Christ Jésus,
vous vivez aujourd’hui dans un monde incertain
qui engendre un trop plein d’angoisses et d’inquiétudes.
Dans ce monde, une immense soif de vivre
jaillit dans le cœur des êtres.
L’appel à retrouver l’élan vital, une confiance première,
une espérance qui ne trahit pas vibrent en beaucoup.

Et cela conduit des jeunes et des adultes, de plus en plus nombreux,
à s’interroger sur leurs vies spirituelles.
Cela leur donne de prendre conscience
que le ressort puissant de la vie en l’être
est donné par un Autre en nous : Dieu !
Dieu vivant qui fait de nous des vivants, à l’image de Jésus dans l’Esprit Saint !
Dieu le Vivant qui fait de nous des fils et des frères !

Chers jeunes,
évêque du diocèse de Lille,
je vous dis ce soir ma très grande joie.
Ma joie de voir l’Église vous accueillir où que vous en soyez sur votre chemin.
La joie de voir l’Église vous permettre à progresser spirituellement,
consciente de votre besoin de vivre,
en vous aidant à rencontrer la source vitale en Jésus,
appelés avec Lui à renaître dans une vie
d’enfants de Dieu et de frères et sœurs de l’Évangile.

Chers jeunes,
frères et sœurs dans le Christ Jésus,
permettez-moi de vous dire ce soir combien vous avez de la chance !
Étudiants ou professionnels à Lille,
vous avez la chance de trouver, à deux pas de chez vous,
des propositions d’animations et de rencontres très diverses
pour vous aider à grandir dans votre liberté humaine et spirituelle.
N’hésitez pas à entrer dans ces cercles d’amitié,
ils vous entraîneront joyeusement
à marcher sur le chemin de l’Évangile
grâce à la prière, l’action sociale et caritative, la relecture de vie,
la formation et les partages fraternels.
Je rends grâce alors au Seigneur avec vous
pour toutes les personnes qui s’engagent ainsi à votre service,
jeunes volontaires, prêtres, diacres, religieux et consacrées,
laïcs en mission ecclésiale.

Frère et sœur, enfant de Dieu,
si tu le veux, cette année,
le chemin de l’évangile se présente à toi.
Qu’il soit ta joie dans la filiation et la fraternité du Christ. Amen. 

Homélie de Monseigneur Le Boulc’h