Pâques, Dimanche 1er avril 2018, Mgr Laurent Ulrich, archevêque de Lille

Pâques

Dimanche 1er avril 2018

Mgr Laurent Ulrich, archevêque de Lille

Jusque là les disciples n’avaient pas vu, n’avaient pas compris que, selon les Écritures, « il devait ressusciter d’entre les morts ». Il a fallu ce moment pour que le disciple dont on dit que « il vit et il crut », il a fallu ce moment pour qu’éclose en eux la foi en Jésus ressuscité. Il a fallu qu’ils méditent toute leur existence la bonne nouvelle de Dieu au milieu d’eux depuis toujours, la bonne nouvelle de Dieu qui crée, qui donne la vie, qui aime le monde, qui aime l’humanité, qui aime les hommes, les femmes de toutes générations, de tous lieux, de tous pays, de toutes nations, de toutes cultures. Il a fallu qu’ils se rappellent cela.

Dieu aime la vie, Il n’aime pas la retirer. Comme dit le livre de la Sagesse « Dieu n’a pas fait la mort ». Il a fallu qu’ils se souviennent que, au début de l’histoire du salut, Abraham avait eu l’idée d’offrir son propre fils, son unique, mais que Dieu l’a refusé, ne voulant pas de sacrifices humains, et appelant la liberté du don de soi par amour.

Il a fallu qu’ils se souviennent que le peuple de Dieu a échappé à de nombreuses difficultés, souffrances et violences qui lui étaient infligées au cours des siècles et que toujours le Seigneur l’a tiré des mauvais pas, aussi bien de l’Égypte où il était en esclavage que plus tard au cours des siècles, de Babylone où il avait été exilé, et de bien d’autres crises.Il a fallu qu’ils se souviennent que Dieu transformait le cœur humain, peu à peu, comme goutte à goutte sur une terre renouvelée et fécondée par l’eau et la neige, la pluie et la neige ainsi que le dit le livre d’Isaïe.

Il a fallu que le peuple de Dieu et les apôtres et les disciples de Jésus se souviennent que le projet de Dieu c’est de constituer une Jérusalem qui soit lieu de paix, et de vie ! Il a fallu que les apôtres, les disciples, les témoins de la vie de Jésus se souviennent que le projet de Dieu c’est de réconcilier toute l’humanité et de transformer le cœur humain, le cœur de pierre en cœur de chair.

Tout cela, les apôtres, les disciples l’avaient au fond du cœur quand ils étaient témoins de la vie avec Jésus sur la terre de Palestine. Il a fallu alors qu’ils se laissent transformer le cœur et qu’ils le rendent disponible à cette nouvelle incroyable qu’au matin de Pâques ils découvrent : Le Christ avec lequel ils ont vécu ces mois est ressuscité et vivant, présent d’une autre façon, mais bien présent au milieu d’eux et se faisant reconnaître comme celui qui a été crucifié trois jours avant, qui a été au tombeau, et qui, aujourd’hui, est là.

Cette certitude de la vie avec le Christ, de la vie du Christ au milieu d’eux, des apôtres, il va maintenant leur être demandé de la transmettre autour d’eux, d’en être les témoins, des témoins pas forcément crus par leurs auditeurs, mais les témoins assurés de ne pas se tromper, parce que ce qu’ils venaient de vivre en accueillant au milieu d’eux Jésus vivant était conforme à tout ce qu’ils avaient appris jusqu’alors de la façon dont Dieu se comporte avec le monde et avec les hommes. Il donne la vie, Il aime la vie, Il fait miséricorde, Il donne le pardon, Il redonne la vie, quand elle nous a quittés. Alors cette nouvelle du Christ vivant, vainqueur de la mort, elle nous concerne tous, et si vous êtes venus ce matin c’est pour renouveler dans votre cœur cette assurance que la vie donnée par Dieu est une vie faite pour être vécue toujours avec Lui, de façons différentes, certes.

Cette assurance s’applique d’abord aux communautés chrétiennes. Les communautés chrétiennes ont été tellement secouées depuis vingt siècles dans leur histoire qu’elles auraient eu bien des raisons, des occasions de se dire qu’elles étaient au bord de la fin, au bord de la fin de l’expérience. Et non, elles ont survécu partout depuis vingt siècles, parfois bien petites, parfois un peu apeurées d’être si réduites, parfois inquiètes de ne pas avoir d’avenir à vue humaine, et elles ont toujours fait confiance au Christ vainqueur de la mort, pour ne pas rester enfermées dans leur peur.

Cela s’applique à chacun d’entre nous dans sa vie personnelle. En effet nous savons bien qu’il y a tant d’obstacles à la foi. L’incroyance du monde autour de nous, le scepticisme qui parait si commode, l’indifférence bien généralisée, mais aussi des circonstances de nos propres vies, des échecs que nous ressentons, des insuccès que nous vivons dans des projets personnels, dans des projets professionnels, dans des projets faits avec d’autres, des proches, des amis, des associés, les souffrances dues à la maladie, et à l’approche de la mort peuvent aussi rendre notre foi plus fragile, mais aussi et encore les difficultés vécues en famille, où les ruptures peuvent être vécues comme des fins, comme des avenirs bouchés.

Mais voilà que dans la foi, avec cette foi dans le Christ vainqueur de la mort, nous revenons sans cesse dans la prière personnelle, dans l’écoute partagée de la parole de Dieu, dans la liturgie que nous célébrons, dans le partage avec nos frères et nos sœurs de la vie chrétienne, nous accueillons de nouveau ce signe de la vie qui renaît en nous toujours.

Et puis cela concerne aussi les grands enjeux de vie de l’humanité. Aujourd’hui en cette année plus exactement nous célébrons le centenaire de la paix de 1918, de l’armistice, et dans quelques jours, ici à Lille et à Arras, nous serons réunis dans l’opération « Faites la paix » dans quelques rassemblements et notamment je pense le dimanche dans trois semaines dans une grande chaîne humaine autour des sites importants du front de la guerre de 14/18, du côté d’Arras, de Vimy à Lorette. Eh bien ces cent années qui n’ont pas été des années sans guerre bien sûr, ont été des années d’efforts de paix, à la suite de cet armistice. Des instances internationales se sont créées, et existent encore aujourd’hui, et cherchent à maintenir l’esprit de paix.

Mais aussi des efforts importants dans les religions, pour soutenir la paix. Des efforts ont commencé entre nous, chrétiens divisés, qui avons entrepris une œuvre à l’appel de l’Esprit Saint, une œuvre œcuménique, de rassemblement entre les chrétiens, pour soutenir le désir de la paix des hommes, et aussi, peut-être plus récemment mais nous le comprenons dans cette dynamique, des entreprises de dialogue interreligieux, entre les religions, pour que chacun, dans sa propre foi ou croyance soit soutenu, pour que vive la paix, pour que la vie soit manifestée, pour que la vie soit désirée, et pour qu’elle soit une vie pacifique, bienheureuse et féconde dans le monde.

Et puis dans la vie toute simple des associations, des quartiers, des proximités diverses des petites entreprises parfois microscopiques, inaperçues de la grande actualité, dans laquelle des hommes et des femmes de toutes races, de toutes nations, de toutes cultures, de toutes religions savent se rapprocher pour créer un esprit de fraternité, d’amour, de paix, et d’amour de la vie que Dieu donne. Voilà, c’est dans la foi au Christ vainqueur de la mort que nous nourrissons ce désir de partager la vie que Dieu donne, de l’honorer, de la respecter, de la faire grandir.

Ensemble nous pouvons rendre grâce au Seigneur de nous avoir donné ce témoignage dans la résurrection du Christ qui est probablement le témoignage le plus important pour les hommes aujourd’hui et toujours.