Mgr Laurent Ulrich : Fête de l’Ascension Jeudi 10 mai 2018

Fête de l’Ascension Jeudi 10 mai 2018

Mgr Laurent Ulrich

Ceux d’entre nous qui lisons chaque jour l’office des lectures dans le livre des Heures ont lu ce matin dans saint Augustin cette phrase qui décrit l’Ascension : « Le Seigneur ne s’est pas éloigné du Ciel quand Il est venu parmi nous et Il ne s’est pas éloigné de nous quand Il est remonté au Ciel ». C’est bien sûr le mystère de l’Ascension qui est ici décrit, et je crois que c’est bien aussi le mystère de l’Église qui est contenu dans cette formule. Le mystère, ai-je dit, c’est-à-dire la profondeur du don de l’amour de Dieu à travers ce corps que nous appelons l’Église. On a, me semble-t-il fort heureusement, un peu laissé tomber, au moins dans notre milieu de l’Église – je ne parle pas de ceux qui nous regardent un peu de travers – on a un peu laissé tomber heureusement le langage pour décrier l’Église, nous-mêmes, de l’Eglise-institution, comme si c’était un grand malheur qu’elle soit une institution – ce qu’elle est en effet – et comme si elle n’était pas capable, à travers nous, de commettre aussi des méfaits, ce qui arrive malheureusement. C’est le philosophe Jacques Maritain qui distinguait entre la personne de l’Église et son personnel.

La mission de L’Église

Mais les textes que nous venons d’entendre attirent notre attention sur deux points particuliers de son mystère, d’abord sa mission, telle que la finale de l’évangile selon saint Marc que nous venons d’entendre la décrit. Cette finale de l’évangile selon saint Marc dit : ce que vous avez à faire, vous maintenant, vous qui êtes les apôtres, vous qui êtes les premiers dans l’Église, c’est à aller dans le monde entier, proclamer l’Évangile et à voir les signes qui accompagnent l’annonce de l’Évangile dans le monde entier concernant toute la création. Aller dans le monde entier, l’Église s’est bien appliquée à le faire depuis vingt siècles, elle ne peut pas ne pas approfondir cette mission, en allant, pour utiliser cette expression maintenant bien connue du pape François, aux périphéries, c’est-à-dire dans la profondeur des sociétés, là où on ne va pas spontanément, notamment pour apporter la bonne nouvelle.

L’Église par ailleurs ne cesse pas de se savoir envoyée pour proclamer l’évangile, sa mission première, sa mission de toujours, à travers toutes les circonstances de l’existence, pour faire en sorte que soient annoncés, révélés l’évangile et la personne du Christ.

Et puis regarder, constater, voir les signes qui accompagnent la Parole et l’annonce de l’évangile. Vous avez retenu plus ou moins cette énumération : chasser les démons – « chasser les démons », c’est peut-être une expression un peu datée – mais est-ce qu’il n’y a pas dans notre vie d’hommes contemporains beaucoup de démons qui hantent nos existences, d’addictions de toutes sortes qui nous empêchent de vivre, de peurs dont nous avons à être libérés, aujourd’hui encore ? Chasser les démons, et puis ensuite être capable de prendre un serpent dans sa main, sans crainte, un poison qui ne nous tuera pas, bien sûr cette expression est encore aussi datée, d’une certaine époque, mais est-ce que vous ne croyez pas que des hommes et des femmes qui résistent par exemple à la violence par la non-violence de l’évangile sont de ceux-là qui sont capables de ne pas avoir peur des maux de ce monde, des violences de ce monde et de lutter avec les armes de l’évangile sans se laisser envahir par ces maux ? Ils n’en ont pas peur, ils les combattent, d’une façon qui n’est pas celle du monde, mais celle de l’évangile. Et puis faire du bien aux malades, imposer les mains aux malades et les soigner autant qu’il est possible. L’Église à travers tant d’hommes et de femmes depuis vingt siècles, a toujours pensé qu’elle devait essayer de prendre soin de tous les hommes et femmes en difficulté, de quelque façon que ce soit. Cela accompagne sa mission parce que ces choses que je viens de dire, ça n’est pas nous qui les faisons, c’est le Christ qui les fait à travers nous. Il s’agit de considérer que ces choses bienfaisantes, elles sont faites pour accompagner l’annonce de l’évangile que les disciples du Christ tentent de réaliser au jour le jour. Ils en remercient le Seigneur, Ils savent que si cela arrive, c’est que l’évangile est annoncé. Ils n’en sont pas les auteurs, ils ne s’en attribuent pas la gloire, « non pas à nous, Seigneur – comme dit le psaume, mais à ton Nom soit la gloire ! » Le bienfait que les disciples du Christ et les annonciateurs de l’évangile sont capables de faire, ce n’est pas eux qui le font, mais ils reçoivent du Seigneur la confirmation à travers ces signes que l’évangile est annoncé.

Voilà pour la mission de l’Église.

La façon dont L’Église est agencée

Et puis il y a l’autre côté, la façon dont l’Église est agencée. Les ministres de l’Église, ceux que le Seigneur choisit – et la deuxième lecture nous l’a dit – les apôtres, les prophètes, les évangélisateurs, nous pouvons aujourd’hui dire bien sûr, les évêques, les prêtres, les diacres, les religieux et religieuses, les animateurs de la pastorale, les serviteurs des pauvres, et bien d’autres, ceux-là ne sont pas le produit de notre imagination et de notre organisation. Nous n’organisons pas l’Église comme une entreprise efficace, mais nous recevons de Dieu ceux qu’Il choisit et qu’Il envoie pour être des témoins, des signes, des annonciateurs, des porteurs de l’évangile dans les circonstances variées de l’existence de l’Église depuis vingt siècles.

Et cela s’est organisé de façon diverse au cours de ces vingt siècles.Je redoute beaucoup toujours que nous imaginions l’Église comme une organisation qui nous appartient et que nous devrions nous-mêmes organiser pour son efficacité. Il y a bien sûr un peu de cela, mais il y a surtout à discerner ceux que le Seigneur envoie et choisit pour annoncer l’évangile dans les formes diverses de la vie du monde contemporain pourvu que nous ne soyons pas les uns et les autres des empêcheurs de vocation, que nous ne soyons pas des gens qui ont une telle idée de la façon dont l’Église doit marcher, qu’ils voudraient qu’elle fonctionne selon leurs critères et leurs schèmes mentaux. Puissions-nous être au contraire de ces hommes et de ces femmes qui encouragent les vocations et l’éclosion des personnes mises à la disposition de l’évangile. Priez, prions, frères et sœurs, pour l’éclosion de toutes les vocations au service de l’évangile, de sorte que se construise le corps du Christ et non pas une institution à notre ressemblance ; de sorte que tout le monde s’entraide sans se regarder jalousement parce que nous exerçons les uns et les autres des ministères et des services différents, sans se regarder jalousement, mais avec le seul désir, le seul objectif que soit annoncé l’évangile et que les œuvres qui accompagnent l’évangile, qui font du bien aux hommes, soient vraiment accomplies !