Messe Chrismale, Mardi 27 mars 2018, Mgr Laurent Ulrich, archevêque de Lille

Messe chrismale

Mardi 27 mars 2018, cathédrale Notre-Dame de la Treille

Mgr Laurent Ulrich, archevêque de Lille

De la lecture de la lettre aux Hébreux, retenons ensemble plusieurs enseignements qui nous rejoignent. D’abord, cette liste de témoins de la première Alliance : Abel le juste, Hénok l’un des patriarches cités dans la généalogie de Jésus selon St Luc, Noé, Abraham et sa femme Sara, eux qui ont espéré contre toute espérance qu’une descendance leur viendrait, et qu’elle ne leur serait pas retirée, et puis tous ceux qui sont cités sans qu’on ait besoin de dire ce qu’ils ont fait, parce que les premiers lecteurs de cette lettre le savaient : Gédéon, Barak, Samson, Jephté, David, Samuel et les prophètes. Cette liste qui pourrait être prolongée met en lumière la grande histoire de la foi. Et elle nous réconforte : nous qui vivons dans un monde qui semble ne pas vouloir tenir compte de l’expérience des croyants, qui fait parfois comme si la foi était une donnée personnelle plus ou moins raisonnable et dont on ne peut rien dire, nous voici situés dans une lignée de croyants qui court tout au long des siècles. Cette liste concerne la période qui précède le Christ, mais nous savons que l’Église n’a jamais manqué de ces témoins d’une foi chevillée à leur vie. Et nous avons nos préférés, chacun de nous peut faire sa propre liste dans les saints.

Deuxième enseignement : nous comprenons que la foi de ces hommes et femmes, c’est une foi qui a des répercussions dans leur vie quotidienne. Ils ont vaincu des royaumes : on pense à David, petit berger qui triomphe du puissant Goliath, le héros du royaume voisin menaçant. Ils ont fermé la gueule des lions et éteint la flamme des brasiers : ce sont les jeunes gens dans la fournaise de Nabuchodonosor. D’autres sont restés fidèles dans la persécution, ce sont la mère et les frères de la famille de Mattathias, d’autres ont vécu errants et pourchassés, et l’on peut penser à Elie le prophète. Je ne poursuis pas la déclinaison de ces exemples, mais ils montrent la vigueur que la foi est capable de donner à des hommes et des femmes qui mettent leur confiance exclusivement dans le Seigneur. Ils ne choisissent pas d’autre assurance pour mener leur vie que de faire confiance à Celui qui donne la vie, la force, le goût de servir, la joie d’aimer, la patience et la persévérance dans les circonstances contraires.

Troisième enseignement : de ces croyants, la lettre aux Hébreux dit qu’ils n’ont pas vu la réalisation des promesses auxquelles ils croyaient. Cela ne signifie pas qu’ils n’ont rien obtenu, en effet les livres de la première Alliance (l’Ancien Testament ) montrent amplement que le peuple de Dieu, tout au long de son histoire, a eu raison de faire confiance : il y a bien eu une terre promise en laquelle il est arrivé en sortant d’Égypte et où il a pu vivre, il y a bien eu un Temple où les fils de ce peuple ont offert des sacrifices pour la louange de Dieu, il y a bien eu une fin à l’exil de Babylone – et bien d’autres événements les ont confortés aussi. Ce que dit ce passage de la lettre aux Hébreux, c’est que ces croyants n’ont pas eu le bonheur de voir la venue du Fils de la promesse, le Fils de Dieu, le Christ qui est allé jusqu’au bout de la confiance en offrant sa vie et en obtenant la résurrection à laquelle nous pouvons aspirer.

C’est la réalisation de cette promesse que Jésus annonce au début de son ministère dans la synagogue de Nazareth. Et nous reconnaissons les premiers signes de la résurrection dans ce qui se fait en son nom : faire en sorte que les pauvres trouvent leur place dans notre Église et mieux encore dans notre société, ce n’est pas fait jusqu’au bout encore, mais vous y travaillez avec générosité et cela nous transforme tous ; lutter contre le mal, la misère et l’oppression, nous nous y encourageons mutuellement et nous voyons qu’une belle solidarité nous entraîne lorsque nous sommes tentés de faiblir ; accompagner les malades et tous ceux qui sont dans des situations fragiles, nous aimons le faire, et nous savons que, dans cet accompagnement, nous sommes récompensés au delà de nos espérances. C’est la puissance de la résurrection du Christ qui est à l’œuvre.

Et nous sommes venus ici, à cette messe chrismale, nous abreuver au don qu’Il nous fait de Lui-même. C’est Lui qui est le libérateur définitif, c’est Lui qui est le plus beau consolateur. C’est Lui qui, en livrant tous ces combats, est notre force, c’est Lui, l’humble et le fragile, qui s’en remet au Père et obtient tout de Lui. Et c’est Lui qui est le plus beau cadeau que nous puissions faire à ceux que nous aimons, à tous les frères et sœurs que nous rencontrons sur nos routes, en témoignant de Lui, en Le montrant par nos paroles et par nos actes. La vraie libération, la véritable consolation, la justice qui ne s’épuise jamais, c’est Lui : il est le signe le plus étonnant de l’amour du Père pour tous les hommes, il est le sacrement du Dieu de tout amour et de toute paix. En Lui, et dans les sacrements qu’Il nous offre aujourd’hui, nous vivons, nous aimons et nous témoignons.

Voici pourquoi nous attachons de l’importance à la bénédiction de l’huile des malades, de l’huile des catéchumènes qui désigne et fortifie les nouveaux venus dans la foi de l’Église, et à la consécration du Saint-Chrême qui libère en chacun de nous les trésors de l’Esprit Saint, sa force, son intelligence, sa persévérance, son amour pour tous au-delà des apparences. Prions pour les malades qui nous sont si chers, et les mourants. Dans notre pays, comme dans beaucoup d’autres d’ailleurs, l’opinion peut être tentée de voir dans l’euthanasie une solution plus humaine que dans l’accompagnement fraternel des derniers moments ; comme mes confrères évêques, et avec Mgr Hérouard, j’ai personnellement signé il y a quelques jours, une déclaration (cliquez pour la lire) qui redit notre immense confiance dans la vie vécue jusqu’au bout, et dans les capacités de nos contemporains à lutter contre toute solitude dans l’approche de la mort. Nous sommes, hommes et femmes, des êtres de relation, nous ne vivons vraiment que lorsque nous nous savons aimés, entourés, désirés. Notre vie est une histoire où se tissent des relations et ce serait une mauvaise nouvelle de croire que chacun doit pouvoir maîtriser son destin comme s’il était seul au monde, comme si le choix de sa fin n’affectait que lui-même. L’accompagnement et les soins palliatifs, voilà où se trouve la dignité de l’homme qui compte sur la fraternité de soignants et des amis pour vivre jusqu’au bout. Dans notre appel, nous écrivons ceci, en particulier : «la vulnérabilité des personnes – jeunes et moins jeunes – en situation de dépendance appelle non un geste de mort, mais un accompagnement solidaire.»

En pensant aux catéchumènes, je vous invite aussi à prier pour les 91 adultes qui ont répondu à l’appel décisif de ce début de carême. Peut-être leur faudra-t-il du temps pour trouver toute leur place au milieu de l’Église déjà constituée, mais nous pouvons entendre cette promesse qui se réalise déjà dans le Christ : les catéchumènes sont l’Église d’aujourd’hui et de demain, nous les accueillons dans la prière et dans l’attention personnelle à chacun dans chacune de nos communautés. C’est un effort à développer, c’est un don que Dieu fait à notre Église.

En pensant au Saint-Chrême, je ne peux m’empêcher de vous rappeler la grande confirmation du dimanche de Pentecôte, le 20 mai prochain après midi, à Lille Grand Palais. C’est encore un don de Dieu en Jésus-Christ : dans cette célébration, il sera rendu clair que ce sacrement n’est pas seulement un affermissement de la foi de chacun de ceux qui le recevront, mais aussi que c’est l’Église de notre diocèse qui en «sera ragaillardie et trouvera un nouveau tonus» pour sa mission, ainsi que je l’ai déjà dit et écrit. Confirmation pour les personnes à répondre à l’appel du Seigneur pour faire de leur vie une suite du Christ et un service des autres, confirmation pour toute l’Église à porter sans peur le trésor de la connaissance de Jésus.

Je pense aussi aux séminaristes, aux vocations de prêtres, et à leur formation. Dans six mois, la communauté des séminaristes s’installera dans une maison du Vieux-Lille, où leur vie communautaire devrait mieux s’épanouir, et leur contact avec vous se vivre mieux. Ils seront aussi plus proches, dans la formation, d’autres personnes qui se préparent comme eux au service de la mission ; les jeunes et les moins jeunes qui le voudront pourront plus aisément participer à leur prière notamment, dans la chapelle de l’église Saint André. Ceci est une forme d’appel. Nous, les évêques et les formateurs, tous ceux qui sont sensibles à ce renouvellement de l’Église et de ses ministres, mettons beaucoup d’espoir dans le retentissement de cette nouvelle forme de vie au séminaire.

Je pense aux prêtres eux-mêmes : vous avez vu, sur les écrans avant la célébration, comment certains d’entre eux expriment leur goût du service de l’évangile quand on est un prêtre diocésain, un prêtre pour un peuple à la fois circonscrit sur un territoire dont on aime l’histoire et la vie quotidienne, et en même temps très large, très nombreux : tous ceux qui sont là, non seulement dans l’église rassemblée, mais dans les rues, les maisons, les familles, les entreprises et les groupes qui vivent leur vie ordinaire. Leur attachement au Christ s’exprime dans l’amour qu’ils ont pour vous, auquel peut-être vous ne pensez pas tous les jours, mais qui est bien réel.

En pensant au Saint-Chrême encore, je pense aux jeunes pour qui le pape a convoqué le synode du mois d’octobre prochain. 300 jeunes du monde entier viennent de passer une semaine à Rome à son invitation et avec lui : ils désirent prendre toute leur place dans l’Église, ils attendent qu’on les écoute davantage, qu’on les aide à prendre mieux connaissance et conscience du trésor de la foi. Je vous l’annonce dès maintenant, en attendant toutes les précisions nécessaires dans les mois qui viennent : l’année pastorale prochaine, de septembre 2018 à juin 2019, sera une année diocésaine avec et pour les jeunes, non seulement ceux qui sont déjà des membres actifs de notre Église, mais aussi toute leur génération. Le Christ réalise pour eux les promesses de son amour et du don qu’Il fait de Lui, dont nous faisons mémoire tout au cours de cette grande semaine. Que son Esprit nous entraîne !