Mercredi des Cendres (B) – 14 février 2024 –
Un lycéen me demandait ce matin: « Pourquoi le buisson ardent ne se consume pas devant Moïse? Il devrait être calciné, comme les forêts dans le réchauffement climatique! »
Ce jeune résume magnifiquement le « pourquoi? » de notre célébration de ce jour.
Nous ne sommes que cendre encore.
La planète brûle.
Le buisson ardent ne se consume pas.
La réception des Cendres est la réception humble de n’être rien, rien sans la brûlure d’amour.
Le matin de Pâques, le tombeau ne s’ouvre pas sur des ossements ou des cendres.
Les cendres de ce mercredi ne conduisent pas au néant.
Consentir à les recevoir, c’est consentir à la brisure de notre suffisance.
Être marqués ce soir frontalement d’une croix toute cendrée, c’est recueillir l’incandescence de la brûlure d’évangile.
Je vous invite à poser votre regard tout en bas, tout en haut, tout alentours, tout à l’intérieur.
Tout en bas, car nous retournerons à la terre. « Souviens toi que tu es poussière ».
Tout en haut, parce que le Père a élu son Fils bien aimé. Depuis la nuée, sa voix s’est fait entendre.
Tout alentours, car le Carême ne se vit pas sans les autres et sans fraternité nouvelle.
Tout à l’intérieur, car l’évangile vient de nous demander en St Mathieu de nous retirer dans le secret pour prier, jeûner, combattre spirituellement.
Tout en bas, car Jésus obéit à l’abaissement le plus sublime qu’un être puisse connaître, et nous ouvre grands ses bras d’un extrême amour.
Tout en haut, car vivre le désert fait ressentir que tout vient du Créateur et retourne à Lui.
Tout alentours, car la destinée humaine nous importe, et nous sommes voués par St Paul à devenir ambassadeurs de réconciliation.
Tout à l’intérieur, parce que c’est en toi que se vit le choix d’aimer, le retournement du cœur, la prière plus fervente, le jeûne contre toute aliénation.
Tout en bas, car la contrition de notre être est grande.
Tout en haut car Jésus ne conçoit rien sans le Père et résiste à toute tentation en ce sens.
Tout alentours, car tant d’hommes aujourd’hui ne connaissent pas encore Jésus.
Tout à l’intérieur, car le vieil homme doit mourir en toi, si tu veux que le Ressuscité te relève de tes cendres.
Tout en bas, car la terre est basse, et que l’agenouillement est la posture qui sied à l’écoute véritable de Dieu.
Tout en haut, car la nourriture de Jésus venant de son Père est de faire sa volonté en allant vers Lui
Tout alentours, car notre monde crie son attente de signes et se complaît dans le narcissisme.
Tout à l’intérieur, car dans le secret de ta chambre, en ce Carême 2024, Dieu te parlera.
Tout en bas, car les cimetières sont peuplés de gens qui se croyaient indispensables.
Tout en haut, car le prophète Joel nous presse de déchirer nos cœurs, et point nos vêtements, vers le Dieu de vie.
Tout alentours, car le monde est « hors de contrôle » selon la forte expression de Thomas Gomart.
Tout à l’intérieur, car Jésus nous connaît mieux que nous mêmes, comme insiste Saint Augustin.
Tout en bas, car sans humilité, rien ne se construit.
Tout en haut car Dieu transcendant d’amour envers son peuple a vu sa misère.
Tout alentours, car l’on n’aime pas Dieu si on ne le reconnaît en nos frères.
Tout à l’intérieur, car la liturgie nous dit: « Convertis toi, et crois à l’évangile! »
Je vous souhaite un Carême en Christ descendu tout en bas par amour envers nous; en Christ nous élèvant à la cime de toute paternité divine; en Christ se reflétant dans le Frère; en Christ nous apprenant à prier comme, déjà, Il prie en nous!
Dom André Louf disait: « Au Carême, nous ne pouvons prévoir ce qui nous y attend. Nous ne pouvons prévoir comment Dieu y brisera notre cœur avec infiniment de douceur et d’amour… »
Nous ne pouvons prévoir…
Saint Carême à tous !
Mgr Bernard Podvin
Cendres, cathédrale de Lille 14 février 2024