La rosace
Le peintre Ladislas KIJNO se voit confier dans les années 1990 la rosace de la façade actuelle de la Cathédrale Notre-Dame de la Treille.
La rosace d’un diamètre de 6,50 mètres est installée en 1999.
La rosace, aux tonalités jaune et orange, évoque entre autres choses la Passion et la Résurrection. Le visage blême du Christ gît dans les ténèbres de son tombeau lorsque le faisceau de lumière jaillit du montant de la Croix et provoque l’éclosion des fruits. Ainsi assiste-t-on à la naissance, à la Résurrection qui atteint son paroxysme avec la prééminence du jaune. La colombe du Saint-Esprit, inscrite dans le triangle de la Trinité, veille sur l’œuf mystique. Elle regarde la sphère de la vie baignée par les couleurs de l’arc-en-ciel, symbole de l’alliance entre Dieu et l’homme depuis Noé. L’arbre incliné représente à la fois la vie, le mont des Oliviers mais aussi l’arbre de Jessé. Dessous, le vin de la Treille, référence eucharistique, oint l’homme nouveau sous la protection de la Vierge, Sainte Mère du Christ et Sainte patronne de la Treille, représentée par sa couleur, le bleu. Cette bénédiction est confirmée par le geste des mains du Christ ressuscité. Des méandres de la terre et de la mort, la rosace dévoile, au fur et à mesure de la lecture, la lumière colorée et éclatante de la vie.
Au-delà de cette approche liturgique, la rosace est empreinte de l’histoire de son créateur Ladislas KIJNO, mais également de celle des hommes. La tête du Christ et le faisceau lumineux forment un violon, celui du père de KIJNO. Mais il s’agit aussi d’un crâne, celui de l’humanité, transpercé par un poignard, qui est également le montant de la Croix : c’est la mort, les guerres, les génocides et tout particulièrement celles et ceux des XXe siècles. La sphère de la vie est, quant à elle, le crâne de la connaissance ; le dégradé des couleurs de l’arc-en-ciel renvoie aux primitifs flamands, peintres qui utilisaient la technique de la perspective atmosphérique. Trois nuages gris sont en réalité des ovnis en allusion à la conquête de l’espace, tandis que le chiffre « 3 » évoque trois religions : le bouddhisme, le christianisme et l’islam. A droite de l’arbre, le cosmonaute marche. Au-dessus, le jaune exaltant de la résurrection et le noir s’inspirent des icônes russes d’Andreï ROUBLEV (né vers 1360-1370 et mort entre 1427 et 1430). La signature de l’oeuvre de KIJNO est son empreinte de main, dans la terre sous le tombeau, en référence aux peintures des grottes préhistoriques. Celle de sa femme y est également ainsi que celle d’une tierce personne dont il a tu le nom. Pour conférer aux méandres ce rendu noir aux reflets colorés, KIJNO a adapté sa technique de la toile froissée au vitrail en insufflant de l’acide dans les plaques de verre coloré. En s’inspirant de sa métaphore – « L’enfant naît froissé, l’adolescent devient lisse et le vieil homme meurt froissé » -, il suggère, par sa technique mais aussi par la symbolique de la sphère, le cycle de la vie de l’homme.
Cet ensemble auréolé de la lumière blanche de la divinité s’inscrit dans le voile en marbre de Véronique, signifiée par sa couleur, le rose. Cet arc central, véritable puits de lumière, nous offre ses merveilles et ses mystères à l’intérieur comme à l’extérieur, jouant des effets de transparence, d’opacité, de couleur et de matière. Sur la face extérieure de la rosace, les figures et inscriptions thermoformées se distinguent : Notre-Dame de la Treille, un calice, du raisin, la clé de saint Pierre, l’agneau pascal, le poisson avec le chrisme grec IKTUS, E-MC2, l’hôtel de ville de Lille … A vous de découvrir toutes les autres richesses de la rosace.
Article Nathalie PFISTER, extrait de Notre-Dame-de-la-Treille, Traditions et nouvelles contemporanéités, ouvrage dirigé par Yohann TRAVET .
LADISLAS KIJNO, NOTRE AMI ET ARTISTE, NOUS LAISSE SA PASSION EN HÉRITAGE
“Le peintre KIJNO est décédé mardi 27 novembre 2012, dans sa maison de St-Germain en Laye, à l’âge de 91 ans. Cet artiste né en Pologne mais ayant vécu en France depuis 80 ans a côtoyé dès sa jeunesse les plus grands artistes, ceux qui se sont illustrés par exemple à la Chapelle du Plateau d’Assy (Haute-Savoie). Trois œuvres de lui –Sainte Face, Mon Père, mon Père, pourquoi m’avez-vous abandonné ? (Dernières paroles du Christ en hommage à toutes les victimes de la torture) et la Rosace de KIJNO – nous sont chères, dont la plus importante et la plus visible est sur la façade de notre Cathédrale, c’est la rosace de la Passion à la Résurrection du Christ. Le diocèse de Lille lui est reconnaissant à jamais pour cette œuvre magnifique et porteuse du message d’espérance du Christ.Il le confie à Dieu, ainsi que ses proches, qu’ils soient sur cette terre, ou déjà endormis dans la paix.”
+ Laurent ULRICH
Archevêque de Lille.