La façade

La Cathédrale possédait une façade provisoire de briques posée en 1947. Il faudra attendre les années 1990 et l’intervention de Monseigneur VILNET, alors évêque de Lille, pour voir s’accomplir l’achèvement de l’édifice. Le projet d’une façade de style sobre et contemporain a été retenu. Terminer le projet initial de la cathédrale avec un massif occidental, comme on en faisait au XIIIème siècle, aurait été difficilement envisageable. Et les coûts auraient été plus élevés.

Au début des années 1980, la ligne générale pour la nouvelle façade est définie : l’usage du verre, d’arcs ogivaux (qui rappelleront les vaisseaux intérieurs) et la recherche de la lumière font partie des solutions que l’on retrouve aujourd’hui dans le projet final. Mais surtout, c’est l’emploi d’une façade dite “écran” qui va donner toute son originalité à l’édifice. Les travaux, commencés en 1997 grâce au concours de l’agence Pierre-Louis CARLIER, une agence lilloise, et de l’ingénieur irlandais Peter Rice qui concevra la façade par ordinateur. Le peintre Ladislas KIJNO se voit confier la rosace et le sculpteur Georges JEANCLOS , les portails.

 

Techniques et symboliques de la façade

L’architecture gothique, modèle du projet initial de la cathédrale, doit donner envie aux visiteurs de l’édifice de se redresser, de regarder vers le ciel, d’y accéder. On sait que le projet néogothique souhaité pour la Cathédrale de Notre-Dame de la Treille n’est pas complètement achevé. Cependant, la façade renoue d’une certaine manière avec le style gothique.

La translucidité du marbre qui constitue l’ogive centrale  et la rosace, laisse entrer un maximum de lumière. Ce voile de marbre rose provenant du Portugal, appelé aussi “voile de Véronique”, ne mesure que trois centimètres d’épaisseur (mais pèse quinze tonnes!). Frontière physique entre l’intérieur et l’extérieur, cette peau de marbre est l’élément sensible du projet, un volume matériel transformé par la lumière. Cette façade, de conception contemporaine, garde aussi des arcs rappelant les façades gothiques. Sa structure architecturale est complètement indépendante du reste du bâtiment. Un revêtement en pierre de Soignies agrafé sur une ossature métallique a remplacé la façade provisoire en briques. Au centre, l’ouverture de la nef principale est constituée d’un arc ogival, réalisé en béton armé et en pierre grafée. Cet arc, fermé par le voile du marbre, supporte la rosace de KIJNO et sa structure. De l’extérieur s’inscrit,sur le voile de marbre, un arc métallique en forme de poisson (premier symbole chrétien avant la croix latine) ou de voile. Le marbre est entièrement suspendu  et son poids retransmis vers le haut de l’arcade. Composée d’une structure en acier de 6,50 mètres de diamètre, la rosace de Ladislas KIJNO répond au même principe structurel que le voile. Des coques de verre thermoformé constituent la peau colorée de la rosace. Pour ôter la pression du marbre, des tiges d’acier maintiennent l’ensemble (sur les vitraux anciens, c’est le plomb qui maintient le tout). Les poussées du voile de marbre s’exercent naturellement vers l’extérieur. Les voussoirs en béton de l’ogive centrale et le système des câbles métalliques renversent ces forces et une structure enterrée en sous-sol permet le maintien de la façade.

La symbolique de la porte

Dans un édifice religieux, la porte d’entrée souligne la séparation entre l’intérieur et l’extérieur du bâtiment. Elle est l’élément de médiation entre le monde du profane et le monde du sacré. Le passage de la porte est un moment symbolique, une expérience solennelle : le passage doit être ressenti de manière forte par le visiteur. Dans la symbolique, l’homme qui n’est pas encore entré dans l’église ne connait pas la foi. L’architecture de la façade et le moment du passage. Le caractère minéral des massifs occidentaux médiévaux se retrouve ici dans l’emploi très large de la pierre de Soignies en façade contrairement au voile de marbre translucide, à la rosace et au portail central qui rappellent l’aspect lumineux de l’architecture gothique. Par sa sobriété extérieure, la façade de la Treille figure le monde profane ; par sa luminosité intérieure, elle symbolise le monde du sacré.

Zoom sur le portail réalisé par Georges JEANCLOS

Au pied du voile, le portail central prends la forme d’une treille monumentale soutenant la statue de la Vierge. Marie, au sommet, est en position d’attente et d’accueil. Elle a fait l’expérience du passage dans l’édifice, elle a déjà été touchée par la grâce de Dieu ; c’est la signification des larmes qui roulent sur son visage et se répandent sur le trumeau. Sur ce dernier, figurent des inscriptions hébraïques : JEANCLOS, marqué par la spiritualité juive, a souhaité dresser un portail qui soit une ouverture sur le monde et sur les autres religions.

Grâce aux plaques de verre thermoformé, la porte est translucide, tout comme le voile de marbre. Ce choix rejoint le souci d’une façade qui ne fasse pas obstacle mais qui soit invitante. Sur les croisillons, JEANCLOS appose ses créatures en bronze : des dormants recroquevillés, des couples, images de la tendresse, de cueilleurs de raisin, des piétas, images de “détresse toujours présentes en Europe” selon l’artiste. Il explique : les dormeurs expriment “un enfouissement et en même temps une attente. Le dormeur s’enfouit comme un animal (….) qui va chercher dans la poussière et dans la terre les ultimes éléments de survie dans l’attente d’une résurrection, dans l’attente d’un futur”. Plus on regarde vers le haut du portail, plus les visages s’ouvrent et s’éveillent. Ces personnages, figures de l’humanité, on ne sait s’ils dorment, s’ils veillent, s’ils prient ou s’ils souffrent. Tous sont protégés par des draps de terre. Chez JEANCLOS, le corps n’est jamais entièrement visible. Sous le drapé se cachent les blessures. JEANCLOS explique cette impossibilité de représenter le corps par les événements tragiques de la Seconde Guerre mondiale. Les dormeurs sont sans cheveux et sans âge.

Cette porte dominée par Marie, ici symbole de l’amour universel, demeure pleine d’espérance, comme si JEANCLOS voulait donner une dimension humaine au thème chrétien. La force du portait tient à ce style tout en retenue et en symbolique propre à l’aspect heurté, fragile et souffrant de l’art de JEANCLOS. Le sculpteur meurt en Mars 1997 et ne voit pas l’élévation de son portail en 1999. Les portes latérales sont réalisées par sa fille Maya. Leur sobriété laisse au portail principal toute sa grandeur.

 

Article de Véronique PERUS, extrait de l’ouvrage dirigé par Yohann TRAVET Notre-Dame-de-la-Treille, Traditions et nouvelles contemporanéités.

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