Homélie du 24 octobre 2021

Qui est-il cet aveugle qui mendie sur le bord du chemin ?
Bartimée, le fils de Timée, nous dit-on. Il semble connu, lui qui est là, assis par terre à la sortie de la ville de Jéricho. Il n’est pas l’inconnu sans visage et sans nom comme bien des mendiants et des SDF de nos grandes villes.

Qui est-il cet aveugle qui mendie sur le bord du chemin ?
Il est à la marge, en état de dépendance, bien loin de l’honneur que son père porte dans son nom. Bartimée pourrait se traduire fils d’Honoré. Et bien, le fils d’Honoré est là, réduit à la mendicité. Il dérange. On le fait taire comme beaucoup dont la seule présence dérange

Qui est-il cet aveugle qui mendie sur le bord du chemin ?
N’est-il pas la figure de l’homme qui ne voit pas clair et qui fait du sur place ?
N’est-il pas l’image de l’homme aveuglé, enfermé dans la nuit, victime des systèmes qui éloignent de la lumière et maintiennent dans l’obscurité : injustice, exclusion, idéologies et illusions aussi.

Pourquoi est-il là ce Bartimée, alors que Jésus vient d’annoncer pour la 3ème fois sa passion prochaine et sa résurrection, alors que Jacques et Jean viennent de demander de siéger aux côtés de Jésus dans sa gloire et que Jésus invite les disciples à sa faire serviteurs s’ils veulent prétendre à devenir grands ?

Pourquoi est-il là ? N’est-il pas le dernier que Jésus va guérir avant d’entrer dans Jérusalem et de connaître la passion ?
Remarquons l’attention que Jésus lui prodigue malgré la volonté des disciples de le faire taire. Jésus s’arrête, l’interroge et le guérit.
Observons : l’aveugle entend la rumeur qui court sur Jésus. Il l’implore en lui donnant le titre de Fils de David. Il le reconnaît comme Messie. Il anticipe l’acclamation de la foule lors de l’entrée triomphale de Jésus dans Jérusalem.
Prêtons encore attention à deux détails : alors même qu’il n’y voit toujours rien, l’aveugle appelé par les disciples bondit et court. Il a quitté sa position de repli. Il jette son manteau. Désormais, il peut aller au grand air. Allégé, il pourra suivre Jésus sur le chemin.

« Que veux-tu que je fasse pour toi ? Que je retrouve la vue ! Va, ta foi t’a sauvé. » La séquence résume magnifiquement la rencontre du croyant avec Jésus. Elle signifie la vie nouvelle de celui qui a reconnu Jésus, le messie, envoyé de Dieu. Elle illustre le passage de la mort à la vie que nous sommes invités à vivre à la suite de Jésus. Elle manifeste combien Pâques n’est pas réservé aux initiés de la première heure mais à tous ceux qui sont sur le bord du chemin, les ouvriers de la dernière heure, tous ceux qu’on attendait plus et qui pourtant se pressent au festin du Royaume de Dieu: « les pauvres et les estropiés, les aveugles et les boiteux » (Lc14,21)ceux-là même que Jérémie annonçait dans sa vision du retour d’exil. (Jr31,8)

Imprégnons-nous de cette scène et si nous sommes convaincus de voir bien clair, identifions-nous aux gens qui ont rabroué Bartimée et qui eux aussi ont vécu une sacrée conversion ! Jésus leur a demandé d’appeler leur frère qui était par terre et ils l’ont fait. Ils lui ont dit ces paroles pleines d’espérance : « Confiance, lève-toi. Il t’appelle ».

Puissions-nous nous aussi nous laisser retourner par la rencontre de Jésus. Il est l’image du Dieu riche en miséricorde, « un Père pour Israël » et pour l’humanité en exil, loin du Royaume promis. Puissions-nous nous aussi passer de l’aveuglement à la clairvoyance, de l’enfermement à la liberté, de l’étroitesse d’esprit à l’ouverture ! Implorons cette grâce pour nous-mêmes et pour notre Eglise secouée par les révélations récentes et conviée par le pape à se réformer pour permettre à chacun de devenir acteur, dans une Eglise plus synodale, plus participative. Implorons humblement : « Jésus, Fils de David, prends pitié de nous ! » Amen.

 

Père Bruno CAZIN, Vicaire général.