Homélie du 21/05/2021 – Consécration dans l’Ordre des Vierges, Mgr ULRICH

CONSECRATION DANS L’ORDRE DES VIERGES DE STEPHANIE

 

Cantique 2,8-14.           Ps 39                  Jn 21, 15-19

 

Nous sommes à la veille de Pentecôte, et dans l’attente de l’effusion de l’Esprit sur les Apôtres et toute l’Église envoyée en mission. Et c’est ce moment bien choisi où nous célébrons l’engagement et la consécration de Stéphanie, dans le célibat pour le service de l’Église diocésaine en mission ici.

Stéphanie a choisi cette lecture du Cantique et le psaume qui suivait. On connaît parfoisle Cantique plutôt par réputation que par connaissance profonde, mais Stéphanie l’a médité dans son cœur. Tant de grands auteurs chrétiens l’ont commenté, d’Origène au 3ème siècle à Augustin au 5ème, de St Bernard au 12è à Ste Thérèse d’Avila au 16è. Personne n’est vraiment capable de décider si c’est surtout un poème amoureux ou surtout une allégorie de la relation entre Dieu et Israël. Donc, en général, on répond : les deux à la fois !Augustin dit : vous connaissez l’époux, c’est le Christ ! Vous connaissez l’épouse, c’est L’Église. Et St Bernard : un cœur froid ne peut rien saisir de cette parole de feu !

Dans ce passage, c’est l’épouse ou la fiancée qui parle, elle cite le fiancé-ou l’époux ; c’est la voix de la femme qu’on entend, mais elle fait entendre la voix de son bien-aimé :ta voix est douce et ton visage charmant. C’est en effet ce que dit l’Église au Christ dont elle aime entendre chaque jour la Parole. C’est ce que dit la personne qui choisit de servir le Christ et tous ses frères et sœurs, de façon totale et pour toute la vie.

Le Christ, oui, on peut le suivre tous les jours, mais il faut marcher, il faut courir : il bondit sur les montagnes, il court sur les collines…Magnifique chant d’amour, il y a là un jeu de poursuite et de cachette ! C’est bien aussi le propre du don que l’on fait de soi-même au Christ : oui il parle, oui nous ne l’entendons pas toujours distinctement, oui nous avons le désir d’entendre sa voix… et qu’il se répète pour que nous soyons bien sûrs que c’est Lui. C’est notre histoire.

Et c’est pourquoi le psaume répond : tu ne voulais ni offrande, ni sacrifice, alors j’ai dit : voici je viens. Et c’est ce que fait maintenant, et après avoir bien réfléchi et cheminé, Stéphanie.

L’évangile entendu est celui du jour, vendredi de la 7ème semaine de Pâques, avant-veille de Pentecôte. Le dialogue de Jésus et Pierre est un dialogue réel, entre deux hommes qui se sont côtoyés pendant des mois et ont nourri une amitié confiante. Mais ils savent maintenant qu’ils vont se quitter, du moins ils ne se verront plus. Moment d’aveu : Pierre a dit auparavant : à qui irions-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle. Et cette phrase, cette déclaration n’est pas annulée par les hésitations et même le reniement qui ont suivi.                                                                                                                     

Pierre redit son amour de Jésus, Jésus redit la mission qu’il confie à Pierre. C’est le même amour, la même amitié profonde qui les lie ; c’est le même amour de Dieu le Père qui les réunit. Et c’est donc la mission qui va les attacher définitivement l’un à l’autre…pour la vie qui ne finira pas, puisque désormais la mort – qui n’est pas ignorée – est vaincue, dépassée.

Peut-on dire autrement que le choix de Stéphanie n’a pas d’autre raison que l’amour ? L’amour pour le Christ, Dieu fait homme et toujours incarné, présent au milieu de son Église qui est son corps pour la suite des siècles.

Pas d’autre raison que l’amour. C’est-à-dire pas une réponse d’obligation à un devoir moral, pas un enfermement dans une relation qui exclurait les autres qui sont le peuple de ceux que Dieu aime.

On peut se dire : est-ce bien nécessaire de faire un tel engagement, de célébrer une telle consécration pour continuer de vivre ce que l’on a simplement et humblement entrepris ? Ou encore : n’est-ce pas un risque excessif de promettre cela, alors que le régime de notre vie contemporaine ne porte pas aux engagements de longue durée, et encore moins pour la vie entière ?

Je reconnais qu’il peut bien y avoir là quelque chose d’intempestif (on dit aujourd’hui : décalé). Disons que nous n’en sommes pas vraiment maîtres : c’est Dieu qui appelle, souvent de façon inattendue. Il est le seul Maître qui appelle sans donner d’ordre impératif. Il dit : si tu veux ! Si tu veux, tu peux donner. Et tu recevras encore, et tu le partageras pour la joie de tous.

Stéphanie sait cela, et c’est pourquoi à ce moment de son chemin avec le Seigneur, elle a sollicité auprès de moi le discernement clair de sa vocation, et qu’ayant consulté ceux qui l’ont accompagnée, je l’ai appelée à répondre maintenant à cet appel.

Elle a saisi qu’il est temps pour elle de témoigner à son entourage des merveilles que le Seigneur a réalisées dans sa vie et de cet appel d’amour qu’il lui a fait et auquel elle souhaite répondre par le don total de sa vie au service du Seigneur et celui de ses frères. Je n’invente pas ses mots, et au nom de l’Église, je les crois justes.

Il se trouve aussi qu’elle a reconnu que c’est dans le diocèse de Lille qu’elle veut rendre tout à Dieu : elle a découvert dans ce diocèse un potentiel énorme et un dynamisme missionnaire auquel elle aime et aimera coopérer. L’attachement qu’elle a à ce diocèse lui fait désirer de le servir concrètement. Elle le fera à travers l’exercice de sa profession qui lui fait rencontrer tant de personnes. Elle l’a fait et le fera au service de la liturgie de cette cathédrale qu’elle aime. Elle le fait etle fera dans la paroisse où elle vit actuellement, dans des modalités à préciser encore, pour que son service soit ajusté à un emploi du temps équilibré.

Comment ne pas exprimer au Seigneur une vive et joyeuse reconnaissance pour ce chemin de vie qui révèle sa présence intime au cœur de Stéphanie pour qu’elle accepte de servir à ce point ?

Loué sois-tu, Seigneur !

 

Mgr Laurent ULRICH, Archevêque de Lille.