HOMÉLIE DU 21-05-2020 “L’Ascension de notre Seigneur”, Mgr Antoine HEROUARD

PREMIÈRE LECTURE

« Tandis que les Apotres le regardaient, il s’éleva »

Lecture du livre des Actes des Apôtres. (Ac 1, 1-11)

Cher Théophile,
dans mon premier livre
j’ai parlé de tout ce que Jésus a fait et enseigné
depuis le moment où il commença,
jusqu’au jour où il fut enlevé au ciel,
après avoir, par l’Esprit Saint, donné ses instructions
aux Apôtres qu’il avait choisis.
C’est à eux qu’il s’est présenté vivant après sa Passion ;
il leur en a donné bien des preuves,
puisque, pendant quarante jours, il leur est apparu
et leur a parlé du royaume de Dieu.

Au cours d’un repas qu’il prenait avec eux,
il leur donna l’ordre de ne pas quitter Jérusalem,
mais d’y attendre que s’accomplisse la promesse du Père.
Il déclara :
« Cette promesse, vous l’avez entendue de ma bouche :
alors que Jean a baptisé avec l’eau,
vous, c’est dans l’Esprit Saint
que vous serez baptisés d’ici peu de jours. »
Ainsi réunis, les Apôtres l’interrogeaient :
« Seigneur, est-ce maintenant le temps
où tu vas rétablir le royaume pour Israël ? »
Jésus leur répondit :
« Il ne vous appartient pas de connaître les temps et les moments
que le Père a fixés de sa propre autorité.
Mais vous allez recevoir une force
quand le Saint-Esprit viendra sur vous ;
vous serez alors mes témoins
à Jérusalem,
dans toute la Judée et la Samarie,
et jusqu’aux extrémités de la terre. »

Après ces paroles, tandis que les Apôtres le regardaient,
il s’éleva,
et une nuée vint le soustraire à leurs yeux.
Et comme ils fixaient encore le ciel
où Jésus s’en allait,
voici que, devant eux,
se tenaient deux hommes en vêtements blancs,
qui leur dirent :
« Galiléens,
pourquoi restez-vous là à regarder vers le ciel ?
Ce Jésus qui a été enlevé au ciel d’auprès de vous,
viendra de la même manière
que vous l’avez vu s’en aller vers le ciel. »

– Parole du Seigneur.

PSAUME. (Ps 46 (47), 2-3, 6-7, 8-9)

 

R/ Dieu s’élève parmi les ovations,
le Seigneur, aux éclats du cor.
ou : Alléluia !

Tous les peuples, battez des mains,
acclamez Dieu par vos cris de joie !
Car le Seigneur est le Très-Haut, le redoutable,
le grand roi sur toute la terre.

Dieu s’élève parmi les ovations,
le Seigneur, aux éclats du cor.
Sonnez pour notre Dieu, sonnez,
sonnez pour notre roi, sonnez !

Car Dieu est le roi de la terre :
que vos musiques l’annoncent !
Il règne, Dieu, sur les païens,
Dieu est assis sur son trône sacré.

DEUXIÈME LECTURE

« Dieu l’a fait asseoir à sa droite dans les cieux »

Lecture de la lettre de saint Paul apôtre aux Éphésiens.  (Ep 1, 17-23)

Frères,
que le Dieu de notre Seigneur Jésus Christ,
le Père dans sa gloire,
vous donne un esprit de sagesse
qui vous le révèle et vous le fasse vraiment connaître.
Qu’il ouvre à sa lumière les yeux de votre cœur,
pour que vous sachiez quelle espérance vous ouvre son appel,
la gloire sans prix de l’héritage que vous partagez avec les fidèles,
et quelle puissance incomparable
il déploie pour nous, les croyants :
c’est l’énergie, la force, la vigueur
qu’il a mise en œuvre dans le Christ
quand il l’a ressuscité d’entre les morts
et qu’il l’a fait asseoir à sa droite dans les cieux.
Il l’a établi au-dessus de tout être céleste :
Principauté, Souveraineté, Puissance et Domination,
au-dessus de tout nom
que l’on puisse nommer,
non seulement dans le monde présent
mais aussi dans le monde à venir.
Il a tout mis sous ses pieds
et, le plaçant plus haut que tout,
il a fait de lui la tête de l’Église
qui est son corps,
et l’Église, c’est l’accomplissement total du Christ,
lui que Dieu comble totalement de sa plénitude.

– Parole du Seigneur.

ÉVANGILE

« Tout pouvoir m’a été donné au ciel et sur la terre »

 

Alléluia. Alléluia.
Allez ! De toutes les nations faites des disciples,
dit le Seigneur.
Moi, je suis avec vous tous les jours
jusqu’à la fin du monde.
Alléluia.

 

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu.  (Mt 28, 16-20)

En ce temps-là,
les onze disciples s’en allèrent en Galilée,
à la montagne où Jésus leur avait ordonné de se rendre.
Quand ils le virent, ils se prosternèrent,
mais certains eurent des doutes.
Jésus s’approcha d’eux et leur adressa ces paroles :
« Tout pouvoir m’a été donné au ciel et sur la terre.
Allez ! De toutes les nations faites des disciples :
baptisez-les au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit,
apprenez-leur à observer
tout ce que je vous ai commandé.
Et moi, je suis avec vous
tous les jours jusqu’à la fin du monde. »

– Acclamons la Parole de Dieu.

 

HOMÉLIE DE MONSEIGNEUR ANTOINE HEROUARD

 

« Pourquoi restez-vous là à regarder le ciel ? »

L’expérience des Apôtres, jusqu’au bout, aura été rude, difficile, incertaine. Il y a tant de choses qu’ils
n’ont pas comprises, qui demeurent pour eux cachées, dans l’attente du don de l’Esprit saint : ils ont
connu le drame de la Passion de Jésus, la tristesse de sa mort, l’effondrement de leur espérance ; ils
ont vu leurs propres limites, leur faiblesse, leur incapacité à être fidèles à leur Maître ; la rapidité
avec laquelle ils l’ont abandonné, renié, trahi. Ils ont été témoins à plusieurs reprises de Jésus
ressuscité, vivant, qui leur est apparu, qui s’est fait reconnaître, qui a partagé avec eux le repas. C’est
bien Celui qu’ils ont connu, Celui dont ils ont écouté la Parole pendant sa vie publique, Celui qui a
accompli des miracles, posé des signes, c’est bien le même qui, mis à mort comme un criminel, est
maintenant vainqueur de la mort et du péché ; ils ont bien eu des difficultés à le reconnaître. Mais
c’est bien Lui, c’est le même, Thomas a pu mettre ses mains dans ses plaies.
C’est bien le même, et Il est différent. Il n’est plus limité dans le temps et dans l’espace : le revoir, le
retrouver est pour eux une grande joie. Croire que Dieu l’a ressuscité d’entre les morts : une
formidable espérance. Et en même temps, ils ont du mal : ils sont ballotés entre la joie d’être avec Lui
et les doutes qui les envahissent. Quel est le sens de tous ces événements ? Et même si certains se
souviennent que Jésus l’avait annoncé, ils sont dans l’incertitude, dans l’inconfort… Que croire ? Que
dire ? Que faire ?

Jésus leur demande d’aller en Galilée, sur la montagne, et là ils le retrouvent, et c’est ce même entre
deux, ce même balancement qui se reproduit : heureux de le retrouver ils se prosternent nous dit
l’Evangile, reconnaissant ainsi sa divinité, Lui le Fils de Dieu vainqueur de la mort, mais nous dit St
Matthieu « certains eurent des doutes ». Cela ne va pas de soi. Ils sont dans la joie, et voilà qu’Il s’en
va. Voilà qu’Il les quitte, qu’Il les laisse, ils sont désemparés, ils regardent le ciel.

« Pourquoi restez-vous là à regarder vers le ciel ? »

Jésus va revenir ! Quand ? Comment ? Que faut-il faire en attendant ? Voilà sans doute leurs
questions, leurs interrogations. Toujours dans l’ambivalence. Ils veulent bien croire, accueillir Jésus,
écouter sa parole et en même temps, ils sont déconcertés. Il s’en va, il semble les abandonner, les
laisser seuls se débrouiller.

En fait, l’Ascension que nous fêtons aujourd’hui est un entre deux, entre Pâques et Pentecôte : entre
la victoire sur la mort, la souffrance et le mal, et le don de l’Esprit qui vient éclairer toutes choses et
donner la force aux disciples pour qu’ils deviennent des témoins. L’Ascension les fait osciller entre la
tristesse de la séparation, Jésus n’est plus là physiquement, ils ne le verront plus, ils ne l’entendront
plus ; entre la tristesse et l’espérance. L’espérance que donne sa promesse, celle de ne pas les
abandonner, celle de leur envoyer l’Esprit, celle de partager la vie de Dieu son Père et notre Père.
L’Ascension est ce moment d’une absence qui est aussi une présence, d’une tristesse qui devient
source de joie et d’espérance, d’un entre-deux qui va ouvrir une nouvelle période, un
commencement, une mission.

La promesse que Jésus leur fait et nous fait, au moment de quitter cette Terre, elle est triple :
d’abord la promesse de rester avec eux, à leurs côtés, autrement – « Et moi je suis avec vous tous les
jours jusqu’à la fin du monde » – Quelle force ! quelle espérance ! quelle assurance donnée ainsi aux
disciples ! Il part, mais Il ne les abandonne pas. Il ne leur dit pas « maintenant c’est à vous de vous
débrouiller » – Il leur promet de ne jamais les abandonner « et moi je suis avec vous tous les jours
jusqu’à la fin du monde ». Combien de fois, dans combien de situations nous ne nous sommes pas
entendus dire nous-mêmes : « mais Seigneur où es-tu ? qu’as-Tu fait de ta promesse ? comment
comprendre que Tu es là avec nous ? que Tu ne nous abandonnes pas ? ».
Chaque fois que nous sommes dans l’épreuve, dans le drame, et l’expérience si particulière que nous
avons vécue, que nous vivons encore, certains si douloureusement devant la perte d’un être cher,
devant la maladie et la souffrance qu’elle engendre, devant la peur qui peut nous envahir et nous
paralyser, devant les inquiétudes si fortes pour demain, comment vivre ? comment gagner sa vie ?
comment repartir, aller de l’avant ? Dans toutes ces situations, peut-être nous disons-nous : où est la
promesse du Seigneur ? Comment nous accompagne-t-il ? Peut-être que c’est justement dans ce qui
semble être dans le creux de nos vies qu’Il vient nous rejoindre et nous prendre par la main, et nous
redonner courage, espoir, confiance. La Promesse du Seigneur n’est pas une parole en l’air, n’est pas
un vain mot, mais la certitude que quoi qu’il arrive, Il ne nous abandonne pas, Il marche avec nous, Il
nous relève, Il nous fait grandir si nous acceptons de saisir la main qu’Il nous tend. Voilà la première
promesse.

La seconde, c’est celle qui concerne notre destinée, notre à-venir, ce pour quoi nous sommes faits, la
promesse de l’au-delà, la promesse de la vie en Dieu, de la vie avec Dieu. Jésus remonte au ciel, mais
Il n’est pas seul, d’une certaine manière Il entraîne l’humanité toute entière avec Lui, Il est le
premier, Celui qui ouvre la voie, Celui qui nous montre le chemin. Il nous dit que nous aussi, chacun
de nous, quelles que soient notre histoire, nos joies et nos peines, nos souffrances, nos doutes, nous
sommes faits pour être avec Lui, auprès de Lui. La victoire de Jésus ressuscité sur la mort, le fait qu’Il
partage la gloire de Dieu n’est pas seulement un fait qui le concerne Lui, Jésus : s’Il est pleinement
Dieu, Il est aussi pleinement Homme, et par Lui avec Lui et en Lui, c’est l’humanité toute entière qui
monte au ciel, qui est appelée à partager la vie de Dieu, la communion avec Dieu, son Père et notre
Père. Bien sûr, cela reste pour nous tellement mystérieux ! On ne sait pas le décrire. Nos mots sont
trop pauvres, nous n’en avons pas l’expérience, mais la réalité est bien là : en montant au ciel le jour
de l’Ascension devant ses disciples réunis, Jésus introduit l’humanité entière dans le ciel : chaque
homme, chaque femme, avec son histoire de chair et de sang, d’esprit et d’amour ; de sainteté et de
péché, de tragique et d’émerveillement, de capacité à se donner et à recevoir ; quelle diversité
inouïe, infinie de notre humanité ! Chacun est unique avec sa lumière et ses ténèbres, mais Jésus
attire à Lui tous les hommes, personne ne peut se dire trop loin de Lui, avec Lui nous sommes faits
pour la vie, la vie qui ne finit pas. Avec Lui nous entrons au paradis. L’Espérance que Jésus donne à
ses disciples est une espérance concrète, réelle, pas un vague rêve chimérique. En montant au ciel,
Jésus nous ouvre la voie et nous montre le chemin.

Troisième promesse de Jésus au moment où Il quitte ses disciples, elle est pour maintenant, elle est
pour notre vie la vie dans ce qu’elle a de plus concret, de plus immédiat, de plus simple ou de plus
banal. Jésus s’élève dans le ciel, mais Il ne nous quitte pas. Lui qui est la tête, il donne naissance au
corps qui est l’Eglise, l’Eglise non pas comme un club de fans, non pas comme un parti, non comme
un groupe de pression, une minorité agissante, mais comme le peuple de ceux et celles qui acceptent
de recevoir de lui le sens de leur vie, ceux et celles qui malgré leur faiblesse acceptent de marcher
avec Lui, acceptent de mettre en Lui leur espérance, et de vouloir en être les témoins. La promesse
de la présence de Jésus tous les jours s’accomplit aujourd’hui et demain, et jusqu’à son retour. Ce qui
rend possible de le rencontrer, de marcher avec Lui, c’est le don de l’Esprit, l’Esprit saint qu’Il promet
aux Apôtres et qu’ils recevront le jour de la Pentecôte. « C’est dans l’Esprit saint que vous serez
baptisés » leur dit-il au moment de les quitter. « Vous allez recevoir une force quand l’Esprit saint
viendra sur vous, et alors vous serez mes témoins. Que le Père dans sa gloire vous donne l’esprit de
sagesse, qu’il vous le révèle et vous le fasse connaître » dit saint Paul aux Ephésiens. Pour que nous
sachions quelle espérance nous ouvre son appel, quelle puissance incomparable il déploie pour nous
les croyants. Il a fait de lui la tête de l’Eglise qui est son corps ». Cet Esprit, l’Esprit de jésus, l’Esprit
saint, nous l’avons reçu au jour du baptême, certains qui n’ont pu le recevoir à Pâques vont
l’accueillir dans les semaines qui viennent et l’attendent avec impatience. Et nous l’avons reçu à la
confirmation. L’Esprit c’est celui que nous recevrons à la Pentecôte, c’est la promesse de jésus au
jour de l’Ascension qui se réalise. Alors, ne restons pas le nez en l’air, comme les Apôtres, à regarder
le ciel, Jésus est présent, vivant au milieu de nous, par son Esprit, et nous invite à vivre de sa vie, à
nous réjouir de ce qu’Il nous donne, à être modestement et résolument des témoins, de ceux qui
sont capables de rendre compte de l’Espérance qui les anime. Amen.

Retranscription.