Homélie du 20 février 2022

C’est de la folie. De la folie douce ! Ces propositions de Jésus vont à l’encontre de toute prudence, de toute sagesse. En tout cas de la sagesse commune qui nous recommande de nous préserver, de faire attention à nous, de nous défendre à l’occasion. Ce sont en tout cas les conseils que nous donnent les amis les mieux intentionnés. C’est ce qu’on a appris depuis la prime enfance et les premières bagarres de la cour de récréation.
Alors comment accueillir les indications de Jésus ? Comment donner sans espérer de retour, comment ne pas juger, comment tendre l’autre joue à celui qui nous frappe sur l’une ? Comment aimer nos ennemis ? Ceux-là même qui nous veulent du mal. Comment est-ce possible ? Soyons sérieux. Nous pouvons faire un petit effort, mais nous ne tiendrons pas longtemps. La logique humaine prendra le dessus : l’instinct de survie, le besoin de nous protéger. Au fond, voilà une bonne définition de notre condition d’homme physique, d’’être d’argile (1Cor15) , pétri de la terre et obligé de lutter pour s’en sortir.
Or, cet homme-là, cet homme terreux, pétri d’argile est appelé à devenir un être spirituel, un homme né du ciel. Pas un homme qui plane ; un candide qui aurait perdu tout repère terrestre. Non, un homme né d’en-haut selon la belle expression de Jésus à Nicodème au début de l’Evangile selon Saint Jean : « Amen, amen, je te le dis : personne, à moins de naître de l’eau et de l’Esprit, ne peut entrer dans le royaume de Dieu. Ce qui est né de la chair est chair ; ce qui est né de l’Esprit est esprit. Ne sois pas étonné si je t’ai dit : il vous faut naître d’en haut. » (Jn2,5-7)
Cet homme-là, c’est l’homme recréé à l’image de celui qui vient du Ciel, à l’image du Fils de Dieu, Jésus, qui n’a pas revendiqué d’être traité à l’égal de Dieu mais s’est abaissé jusqu’à la mort sur la croix et que Dieu a ressuscité (Phil2). Cet homme nouveau, nous le sommes devenus par notre baptême, libérés de la nécessité de nous en sortir par nous-mêmes, délivrés du péché, vivants de la vie qui vient de Dieu, hommes spirituels, hommes vivants de la vie éternelle.
Ce passage du vieil homme à l’homme nouveau, de l’homme pétri d’argile à l’homme spirituel, nous avons à la vivre chaque jour comme un combat contre ce qui nous fait retourner en arrière, comme une confiance toujours renouvelée en celui qui nous donne la vie. Ce passage, nous le faisons en nous nourrissant du pain de vie, le corps de celui qui est passé de la mort à la vie, le corps du crucifié-ressuscité.
Alors et alors seulement, nous pourrons quitter nos logiques humaines, terrestres et adopter les mœurs du Ciel. Alors, comme David nous pourrons épargner notre rival et renoncer à gagner. Alors nous pourrons pardonner, donner sans attendre de retour. Nous pourrons être miséricordieux comme Dieu est miséricordieux. Nous aurons abandonné toute logique de préservation. Nous donnerons de la mesure même de Dieu, « cette mesure bien tassée, secouée, débordante » (Lc 6,38) qui défie tous les calculs et les échanges bien équilibrés. Alors, nous serons vivants de la vie même de Dieu. Nous serons devenus des êtres spirituels reflétant la lumière du Ciel. Nous témoignerons vraiment de la résurrection. Nous serons déjà ressuscités. Amen !

Père Bruno CAZIN, Vicaire général.