Homélie du 1er mai 2022

Nous voici avec les apôtres sur le bord du lac de Tibériade, dans un endroit familier, en Galilée. Les disciples qui répondent à l’appel de Pierre pour aller à la pêche sont des fidèles de la première heure. Ils sont 7 dont deux ne sont pas identifiés, un peu comme s’ils représentaient l’ensemble des disciples dont nous sommes. L’ambiance n’est pas à la fête. L’espérance suscitée par Jésus s’est évanouie avec sa mort sur la croix. C’est la nuit, la nuit noire du désespoir et des filets vides. Il faut attendre le petit matin pour que Jésus soit là, sur le rivage. Les disciples ne le reconnaissent pas, pas plus que Marie-Madeleine au matin de Pâques, pas plus que les disciples sur le chemin d’Emmaüs. Ce n’est qu’à la vue des filets remplis de poissons que le disciple que Jésus aimait reconnaît Jésus dans cet homme qui leur a demandé s’ils avaient quelque chose à manger et leur a indiqué de jeter les filets à droite de la barque. « C’est le Seigneur !» dit-il à Pierre qui se jette à l’eau pour rejoindre Jésus tandis que les autres disciples ramènent le filet plein de poissons, un filet qui pourtant ne se déchire pas.

La scène présente bien des similitudes avec la pêche miraculeuse rapportée au début de l’Evangile selon Saint Luc. Elle se situe non pas au début de la mission de Jésus mais bien après sa mort et sa résurrection. Elle illustre ce passage de la mort à la vie, de la stérilité à l’abondance. Elle manifeste combien la présence du Ressuscité bouleverse les perspectives. Elle signifie une nouvelle fois que la reconnaissance du Ressuscité, victorieux de la mort, conduit les croyants à une vie nouvelle, une vie désormais offerte à la multitude des hommes symbolisée par les 153 poissons – il s’agirait du nombre d’espèces connues à l’époque – une préfiguration de l’Eglise qui unit dans une même foi tant de peuples différents.

Vous l’avez sûrement noté. Il y a comme des bizarreries dans ce récit. Simon-Pierre est désigné avec ces deux noms, l’ancien et le nouveau que Jésus lui a donné. Nu, il revêt un vêtement avant de plonger comme s’il y avait là une allusion au baptême et au vêtement de l’homme nouveau, baptisé dans la mort et la résurrection du Christ. Et puis, il y a Jésus qui demande aux disciples s’ils ont quelque chose à manger. Or, avant même que les filets soient ramenés sur le rivage, du pain et du poisson se trouvent sur le feu de braise. Nous pouvons y lire une allusion à l’eucharistie qui précède le passage de Jésus de la mort à la vie, le repas toujours offert où Jésus lui-même se donne en partage pour que nous vivions de sa vie et donnions de nombreux fruits de charité.

C’est l’expérience pascale, ce passage de la mort à la vie, qui fonde la vocation de Simon qui deviendra Pierre. Au triple reniement de la Passion succède la triple confession de son amour pour Jésus. Simon est relevé par la confiance que Jésus lui manifeste. L’homme tombé est devenu pierre de fondation de l’Eglise. Il a désormais la force de témoigner de la résurrection et de guider les fidèles. Pierre a éprouvé lui-même ce qu’il annonce. Il suivra Jésus jusqu’à connaître lui-même le martyre : « tu étendras les mains et un autre te mettra ta ceinture ».

Frères et sœurs, Il n’est pas trop des cinquante jours du temps pascal pour déployer notre foi au Christ ressuscité. L’événement de Pâques éclaire d’une lumière nouvelle toute la vie de Jésus, Fils du Père. Il nous invite à relire la pédagogie de Dieu dans le long cheminement d’alliance avec son Peuple. Il nous permet de confesser l’immense amour de Dieu, sa miséricorde infinie, son affection pour chaque homme, en particulier pour les exclus et les pauvres. Il nous convertit. Il nous inscrit dans la confiance. Il fait de nous des fils de Dieu. Il nous dispose à nous laisser transformer par l’Esprit Saint pour que nous vivions de la vie de Dieu et témoignions de l’amour vainqueur. Christ est vivant. Vivant auprès du Père et au milieu de nous. Il nous donne son Esprit, l’amour de Dieu répandu dans nos cœurs. Il nous fait passer du deuil à la danse, des habits funèbres aux parures de joie, de la stérilité à la fécondité. Puissions-nous rayonner de cette grâce reçue pour que beaucoup se réjouissent et chantent avec nous. Alléluia. Amen.

 

Père Bruno CAZIN.