HOMÉLIE DU 11-04-2020 “Vigile Pascale”, Mgr Laurent ULRICH

Vous pouvez relire les lectures de la Vigile Pascale – 2020

=> https://www.aelf.org/2020-04-12/romain/messe

 

HOMÉLIE DE MONSEIGNEUR LAURENT ULRICH

 

Que faisons-nous ce soir ?

L’une des oraisons que j’ai lue après les lectures, et notamment après la lecture des prophètes, nous
le dit : Nous sommes venus raviver en nous la mémoire des commencements. C’est le commencement
du monde rappelé par la lecture du livre de la Genèse, et puis c’est aussi la sortie de l’esclavage
d’Egypte pour le peuple de Dieu. Raviver la mémoire des commencements, mais aussi célébrer la joie
des vrais passages. C’est le passage de la mer qui fait sortir avec ce cri de joie que nous avons chanté :
chantons le Seigneur car il a fait éclater sa gloire. Une telle joie qui grandit dans le cœur de tout un
peuple et que nous chantons nous aussi, nous associant à toute cette histoire. Et puis enfin, raviver en
nous l’enthousiasme de ta fidélité Seigneur. Nous l’avons entendu dans la lecture du prophète Isaïe
qui dit « la pluie et la neige ne descendent pas des cieux et n’y remontent pas sans avoir abreuvé la
terre, ainsi ma parole ne me reviendra pas sans résultat ». C’est la grande fidélité du Seigneur que
nous célébrons, que nous ravivons dans notre cœur en cette soirée de fête pascale.

Alors en quelques mots, en quelques épisodes rappelés en cette nuit, traditionnellement, voici
résumée toute l’œuvre de Dieu pour son peuple et pour l’humanité toute entière. Non seulement
résumer l’œuvre de Dieu toute entière mais aussi préparer l’événement que nous fêtons en cette nuit,
ce rappel ravive en nous la mémoire des commencements, de la joie des vrais passages et de
l’enthousiasme de la foi dans la fidélité du Seigneur, voilà que nous pouvons être portés à comprendre
un peu mieux ce qui se passe en cette nuit, l’événement qui a bouleversé les apôtres, l’événement qui
a bouleversé ces femmes qui sont les amies de Jésus et les amies des apôtres. Nous participons comme
elles à leur crainte : elles se demandent comment elles vont annoncer cette nouvelle incroyable qui
leur est dite. Nous participons aussi à leur joie : elles se mirent à courir pour aller annoncer la nouvelle,
et cela aussi peut nous habiter. Nous pouvons nous demander comment nous allons dire cette
nouvelle, et nous pouvons aussi avoir le cœur tout brûlant avec l’envie de la communiquer d’une façon
ou d’une autre, et avec elles et avec le témoignage de l’ange, nous voyons la fidélité incroyable du
Seigneur, voyez ce que dit l’ange : Il est ressuscité… comme Il l’avait dit. Cela parait si simple. Il l’avait
dit. Il le vit. Il l’a promis, Il le fait.

Alors voici que cette fête de Pâques arrive à point nommé pour nous, pour que nous vivions cela
ensemble. Nous sommes chacun chez nous, chacun chez soi, mais nous sommes ensemble pour
chercher la route, pour chercher une route à parcourir avec le Christ ressuscité. A l’évidence, nous
avons à faire un ou plusieurs passages en ces temps qui nous sont difficiles. Un passage d’abord, de la
peur à la confiance dans la parole du Seigneur : Il est ressuscité comme Il l’avait dit. Gardons cette
confiance forte pour traverser les épreuves qui touchent l’humanité toute entière, et chacun de nous,
la peur peut nous habiter, mais la confiance est faite pour dominer.

Nous pouvons aussi faire un deuxième passage : du rêve de la toute-puissance qui est si fort dans le
monde contemporain – ce n’est pas une spécialité de ce monde, mais c’est tellement fort aujourd’hui
– passer de ce rêve de la toute-puissance en notre temps à la vulnérabilité. La vulnérabilité, voilà qu’elle
ressurgit à nos yeux après des périodes peut-être plus faciles, des périodes où la puissance de
l’humanité paraissait si grande, voilà que surgit, au cœur de nos vies, la vulnérabilité.
Nous pouvons passer aussi – c’est un peu la même chose, mais dit autrement – du désir de tout savoir,
de tout connaître, de tout contrôler, à l’accueil de l’événement qui bouscule les plans, l’événement qui
bouscule la vie d’hommes et de femmes dans leur santé bien sûr, et qui, s’ils s’en sortent, vivront peut-être autrement les jours qui viendront, mais aussi les plans de l’humanité sont bousculés, renversés
par le virus qui semble mettre à bas, ou en tout cas atteindre fortement notre système économique.
Passer aussi de l’organisation, certes nécessaire, de nos sociétés à l’attention portée aux plus fragiles,
aux plus faibles, aux plus dépendants, aux plus âgés, aux plus malades, et nous voyons cela à l’œuvre :
cette attention si forte, si belle, que réalisent les soignants et tous ceux qui veulent s’approcher de
ceux qui sont les plus isolés. Passer aussi de la planification de toutes nos actions, avec des
programmes, à la patience des transformations intérieures, nous sommes d’un monde dans lequel
nous aimons prévoir, planifier, développer, et voilà que ce qui nous est demandé, c’est de faire
confiance à la transformation intérieure des âmes, des cœurs et des comportements.

Passer enfin de la vitesse conçue comme une valeur suprême, une valeur quasi absolue à la confiance
donnée à l’œuvre de Dieu qui cherche la conversion des cœurs. Et cela c’est beaucoup plus lent, nous
le savons, mais Dieu ne brutalise pas l’humanité, Dieu ne cherche pas à nous emmener sur des chemins
impossibles, Il cherche à faire avancer tous les hommes, en transformant leur intérieur et leur cœur,
et Il accepte que ce soit long et lent. C’est le temps de la patience pour chacun d’entre nous, c’est le
temps de la patience de Dieu.

Alors, voici le Seigneur, le maître de la vie, de la vraie vie, Il paraît au milieu de nous en cette nuit, et il
dit simplement : Allez me retrouver en Galilée ; c’est-à-dire sur les chemins ordinaires de votre vie.
Allez me retrouver, non pas dans des actions éclatantes, mais dans l’ordinaire, c’est là que vous me
trouverez. Cherchez Dieu en toute chose, dans tous les événements de nos existences : voilà ce que
signifie la résurrection de Jésus vivant aujourd’hui et toujours.