Homélie de Mgr Hérouard, Noël 2019.

Homélie de Mgr Hérouard

donnée à la cathédrale de Lille

pour la messes de Noël 2019

 

Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu se lever une grande lumière, sur les habitants du pays de l’ombre une lumière a resplendi.

Qui sommes-nous ce soir dans cette cathédrale, participants réguliers, gens de passage, ou nous qui sommes venus plus exceptionnellement en ce soir de Noël?

Nous sommes peut-être un peu comme ce peuple qui marchait dans les ténèbres. Il attendait une lumière, une espérance, quelqu’un pour les guider et les conduire vers un avenir. Notre monde est, à bien des égards, chaotique entre les guerres, les conflits de toute sorte, les tensions entre les nations, les divisions ethniques, religieuses, les inquiétudes pour l’environnement et l’avenir de notre terre. Et cette année chez nous, la fête de Noël se vit dans un climat tendu, de tensions sociales, de grèves de transports qui rendent difficiles pour certains les rendez-vous familiaux. Tout ceci se vit dans un certain pessimisme ambiant. Et dans le brouhaha médiatique qui exacerbe les invectives et durcit les différents. Alors, bien sûr, on peut être tenté de faire la fête en s’étourdissant dans la surconsommation, les cadeaux échangés, les bons repas qui nous font oublier les difficultés du temps, non bien sûr qu’il soit mauvais en soit de faire la fête, mais sans doute ce décalage croissant entre les apparences un peu forcées et souvent artificielles et puis ce qui habite réellement notre vie et notre cœur doit être une raison de plus pour les chrétiens, non pas de fuir ces réalités qui sont celles du monde dont nous faisons partie, mais de vivre et de témoigner autour de nous du sens profond de la fête de Noël.

Le peuple marchait dans les ténèbres au temps d’Isaïe le prophète, peut-être en est-il largement de même aujourd’hui dans notre monde hyper technicisé, connecté, où l’homme a tendance à se croire tout-puissant et met en avant ses propres désirs comme devant être impérativement satisfaits, sans forcément penser aux autres et en particulier aux plus petits et aux plus faibles. Derrière bien des désespérances, de jugements définitifs, des invectives, des souffrances que vivent nos contemporains, se cache comme une absence de sens, de signification de ce que nous vivons.Le sens de notre existence: quel chemin pour un bonheur possible? Comme si beaucoup ne savaient plus où trouver l’espérance plus forte et plus fondamentale que l’écume du quotidien. Il me semble que le vacarme de notre société est à la mesure de son absence d’espérance.

Noël pour les chrétiens n’est pas seulement l’anniversaire de la naissance d’un enfant, Noël n’est pas une trêve où on cherche à oublier les pesanteurs et les soucis du quotidien; non Noël est un événement. Un événement qui nous dit, qui nous donne l’espérance concrète, cette espérance c’est celle du salut apporté par Jésus, le Christ. Le Messie attendu et annoncé par les prophètes de l’histoire d’Israël, en qui l’amour de Dieu se rend présent en devenant l’un de nous, l’un comme nous, en toute chose excepté le péché; l’homme perdu, tiraillé, partagé, vient recevoir ce message inouï de l’Amour de Dieu qui transforme toute chose, qui nous manifeste que chacun, chacune, quelle que soit notre histoire, quelle que soit notre situation, quel que soit notre cheminement dans la foi, quelles que soient nos difficultés, nos projets, nos vies belles ou cabossées, notre péché. Qui que nous soyons, nous sommes aimés de Dieu, chacun de nous à ses yeux est aimé de Dieu, chacun de nous a du prix pour lui. Dieu a tant aimé le monde qu’Il a donné son Fils, son unique, celui qui est venu partager notre condition humaine en toute chose sauf le péché, nos joies, nos peines, nos souffrances, notre espérance. Celui qui nous dit que notre vie a un sens. Que nous ne sommes pas perdus sur cette petite planète; que nous ne sommes pas condamnés à être ballotés par les événements dramatiques de l’histoire, que nous ne sommes pas abandonnés à notre sort. Non, Dieu est venu à notre rencontre, Dieu s’est fait connaître à travers l’histoire du peuple d’Israël comme le Dieu de l’Alliance, celui qui veut nouer un lien unique avec les hommes. Dieu a parlé par les prophètes, par ceux qui ont été ses témoins, ceux qui ont cru en Lui, ceux qui ont voulu suivre son chemin. Il ne pouvait pas nous dire quelque chose de plus grand, quelque chose de plus beau qu’en nous envoyant son propre Fils. Il nous donne ce qu’Il a de plus cher, cet enfant qui nous manifeste tout son amour, toute sa tendresse. En Jésus petit enfant, c’est bien cette tendresse de Dieu pour chacun de nous, dans notre vie telle qu’elle est qu’Il vient se manifester. Jésus est l’accomplissement de l’espérance d’Israël, le Messie attendu, Celui qui vient pour nous sauver. C’est le sens même du Nom qui lui a été donné. «Jésus» ça veut dire «Dieu sauve». Qu’est-ce que cela signifie que Dieu envoie son Fils Bien-Aimé pour sauver l’humanité, pour sauver chacun d’entre nous.

Est-ce que nous avons conscience du besoin d’être sauvés? De quoi est-ce que Jésus nous sauve? Jésus nous sauve parce qu’Il nous arrache au mal, à la souffrance, au péché, à tout ce qui nous enferme en nous-même, à la mort. Trop souvent nous avons l’impression que Dieu est absent, lointain, comme indifférent à nos douleurs et à nos souffrances devant la maladie, devant le deuil qui nous accable, devant les divisions qui nous blessent, l’incertitude du lendemain, la peur ou le découragement. Jésus est Celui qui vient partager ce que nous vivons. Tout ce qui nous fait mal, tout ce qui nous abime, comme il partage aussi nos joies: joie de l’amour partagé, joie de la vie qui naît, joie de la réconciliation qui survient, joie de la tendresse manifestée, joie du partage qui construit un monde meilleur, joie du pardon donné ou reçu. Jésus nous sauve parce qu’Il nous montre que notre vie est plus grande que ce que nous en connaissons, que ce que nous en comprenons, plus grande que l’écoulement du temps et la suite des événements.Jésus nous manifeste par sa vie, par sa parole, par les actes qu’Il pose, par les miracles qu’Il accomplit comme autant de signes, la force de l’Amour de Dieu.

Il va jusqu’au fond de cet amour pour les hommes, jusqu’à donner sa vie, jusqu’à accepter de mourir par amour pour les hommes. De par sa Résurrection, Jésus est vainqueur de la mort, du mal, de la souffrance, Jésus nous sauve de tout ce qui nous enferme en nous-même et nous empêche d’accueillir la vie que Dieu nous donne. Jésus l’un de nous, l’un comme nous, nous fait partager la vie de Dieu, la vie avec Dieu, la vie en plénitude. «Ma vie nul ne la prend, dira-t-il, c’est moi qui la donne. Il n’y a pas de plus grand Amour que de donner sa vie pour ses amis.»

La naissance de Jésus parmi les hommes est le signe de cet amour qui dépasse toute réalité humaine. Oui, Dieu a tant aimé le monde qu’il nous a donné son Fils unique. Nous sommes faits pour vivre avec Lui. Pour vivre de Lui, maintenant, tout au long de notre vie terrestre et comme une espérance pour l’au-delà. Noël est alors bien autre chose qu’une fête gentille qui nous rappelle nos souvenirs d’enfance ou une fête étourdissante, comme une trêve au milieu des soucis de la vie. Noël est une espérance, une force, une joie, qui vient dépasser tout ce que nous pouvons connaître: alors oui, si cette espérance nous habite, si nous savons que nous ne sommes pas destinés, condamnés au malheur, à la tristesse, alors nous pouvons vraiment nous réjouir, non pas d’une joie facile et bruyante, mais d’une joie beaucoup plus profonde, celle qui rassemble ceux qui se savent aimés et pardonnés, celle qui va se manifester dans l’attention aux autres, aux plus petits, aux plus faibles, les enfants, les personnes âgées, isolées, les malades, les réfugiés, les prisonniers, voilà pourquoi Noël est la fêté de la tendresse, la fête du partage, la fête de l’amitié véritable. Le message de Noël, le message de l’Amour de Dieu manifesté par Jésus le Christ, est celui qui nous dit la richesse et la beauté de notre humanité; alors les chrétiens vont pouvoir être, avec d’autres sans doute, de ceux qui veulent aller vers les plus fragiles, de ceux qui veulent construire des ponts, et non pas se replier sur eux-mêmes, de ceux qui encouragent le dialogue véritable, de ceux qui recherchent le bien commun de la société de ceux qui veulent être, concrètement, dans leur vie, acteurs de paix et de réconciliation.

Lorsque jésus naît, les premiers témoins sont les bergers, ces gens simples qui gardent leurs troupeaux. Et l’ange leur dit: «N’ayez pas peur, ne craignez pas, car voici que je vous annonce une bonne nouvelle, qui sera une grande joie pour tout le peuple. Aujourd’hui dans la cité de David, vous est né un sauveur, qui est le Christ, le Seigneur. Et voici le signe qui vous est donné, vous trouverez un nouveau-né emmailloté et couché dans une mangeoire. Et les anges louent Dieu en disant: Gloire à Dieu au plus haut des cieux et paix sur la terre aux hommes qu’Il aime». Oui Noël est cette espérance concrète que Jésus donne à chacun, chacune d’entre nous. Accueillons-là cette espérance,dans notre vie. Soyons-en les témoins autour de nous. Réjouissons-nous du salut qui nous est donnée en Jésus, louons Dieu qui vient à notre rencontre. Gloire à Dieu, et paix sur la terre aux hommes qu’Il aime. Heureux Noël à tous. Amen.