Chronique du Recteur #6

“Reste avec nous” (Lc 24, 29)

“Nous qui espérions que c’était lui qui allait délivrer Israël” (Lc 24, 21).

Ce récit des “pèlerins d’Emmaüs” (Lc 24, 13-35) que nous donne la liturgie de la Parole de ce troisième dimanche de Pâques, nous met en présence d’Hommes endeuillés et déçus. Endeuillés : ils ont perdu leur ami, Jésus, et dans quelles circonstances… Une des pires que notre humanité puisse connaître : procès sommaire et inique ; peine injuste, infamante et scandaleuse. Cléophas et son compagnon s’en vont endeuillés à Emmaüs, tournant le dos à Jérusalem. Endeuillés et déçus. Déçus par leur réaction : ils pensaient peut-être, comme Pierre, pouvoir être fidèles à Jésus, rester avec lui jusqu’au bout. Et rien de cela : la peur les avait saisis et ils s’étaient enfuis, laissant leur ami seul face à ses accusateurs. Et puis, déçus par Jésus. Ils espéraient qu’il aurait vaincu ses ennemis… Ils espéraient que la souffrance et la mort ne l’auraient pas atteint… Ils pensaient qu’il aurait rétabli la royauté d’Israël avec force et puissance… Et rien de tout cela ne s’est produit. “Nous qui espérions que c’était lui qui allait délivrer Israël”.

Nous sommes peut-être “l’autre disciple” à la fois tristes et déçus à l’image de ces disciples. Nous pensions que Dieu allait nous épargner des épreuves de la vie ou du moins les alléger. Nous n’expérimentons rien dans ce sens et nous nous heurtons souvent au silence de Dieu et, à ce qui nous apparaît comme une impuissance. Cette situation de confinement et les incertitudes de l’avenir nous pèsent.

Les disciples se laissent rejoindre par Jésus. Ils ne le reconnaissent pas et pourtant se confient à cet inconnu. Jésus les écoute. Puis il leur partage l’Ecriture. Leur cœur commence à se réchauffer. Leur histoire commence à prendre sens.

Vous avez peut être au plus profond de vous-mêmes, une parole qui vous aide à tenir le coup : parole d’un parent, d’un conjoint… Et aussi une parole de Dieu qui peut éclairer vos questions, affermir votre foi, ouvrir une espérance. Je me rappelle de cette question que Jésus adresse à Pierre après son reniement : “Pierre, m’aimes-tu ?” (Jn 21, 15 et suivants)

Cette question me relance et m’invite à me rappeler l’amour infini dont Dieu m’aime et à me donner à mon tour.
Parole qui nous fait demeurer dans notre humanité. Elle nous rappelle l’amour dont nous sommes aimés de Dieu et nous appelle à le recevoir dans toutes les dimensions de notre existence. Parole qui peut nous faire dire à la suite des disciples d’Emmaüs : “reste avec nous”. Reste avec nous car nous sommes heureux en ta présence. “Allez, tu resteras bien un peu avec nous ?”, disons-nous à un ami que l’on veut retenir. Reste avec nous car les difficultés sont là, l’avenir nous semble sombre et nous avons besoin de toi. Reste avec nous car la solitude, l’absence physique des autres nous pèse.

“Reste avec nous”. Cependant, ce dimanche une fois de plus, nous n’avons pu recevoir l’eucharistie. Nous avons communié par désir en regardant la messe sur notre écran.

“Reste avec nous”. Faisons nôtre cette demande des disciples. Seigneur, garde en nous ce désir de te rencontrer en vérité, de rencontrer nos frères les Hommes qui nous manquent en ces jours afin que nous puissions vous recevoir tous ensemble, Toi et eux, à l’auberge de nos vies et poursuivre l’annonce de la Bonne Nouvelle à nos frères.

“Reste avec nous”. Nous sommes sûrs dans la foi que Tu restes avec nous car Tu es le Dieu fidèle éternellement. Tu marches à nos côtés.

Bonne semaine.

P. Bruno MARY, recteur, 27 avril 2020.