Billet du Chanoine Christian PORTIER #2

Nous aimerions tellement oublier la crise liée à la pandémie et la ranger au rayon des souvenirs les plus sombres de l’année qui s’achève… mais sans cesse ses effets se rappellent à nous.

La Covid circule toujours dans le monde et dans notre pays atteignant sans distinction les personnes, dans leur santé physique mais aussi psychique, dans leur moral ou dans leur fragilité (précarité, chômage, faillite, difficultés familiales ou solitude).

Ce « satané » virus nous touche dans ce qui constitue en profondeur notre humanité. Nous sommes des êtres de relation, nous n’existons qu’en relation les uns avec les autres et d’abord avec celles et ceux de notre entourage proche, famille et amis. Or ce virus nous contraint à mettre de la distance entre nous, à nous présenter et vivre masqués, à ne pas pouvoir manifester affection, tendresse et amitié à celles et ceux qui comptent pour nous.

J’ai été interpellé et ému par le témoignage et la confidence de plusieurs personnes qui ont perdu un proche au moment des deux confinements que nous avons traversés et qui n’ont pas pu exprimer à leur défunt un adieu à la hauteur de tout l’amour ou l’amitié qu’ils lui portent. Comme l’écrivait Bruno FRAPPAT dans un excellent billet (Journal La Croix du 28 novembre 2020), c’est une violence terrible qui leur est faite (à la famille et au défunt), violence moins médiatique que toutes ces violences qui nous sont relatées chaque jour dans les média mais pas moins douloureuse, voire révoltante. Violence qui engendre beaucoup de frustration et de chagrin souvent caché et enfoui que certains, après plusieurs semaines de silence et de sidération, révèlent pudiquement en leur permettant ainsi de faire progressivement le deuil dont ils ont été privés au moment de la disparition d’un parent, d’un ami, d’une connaissance.

Les soignants, eux-mêmes sont profondément bouleversés et révoltés par ce qu’ils ont vécu dans les services hospitaliers et les Ehpad où tant de personnes sont décédées sans pouvoir être accompagnées comme il se doit, avec humanité. Jamais, affirment les soignants, ils n’avaient connu pareille situation.

Personne n’accepte de voir partir un être cher dont le corps disparaît à la hâte dans une housse de plastique, un cercueil scellé ou une urne, sans qu’aucun geste d’affection n’ait pu lui être donné au cours de sa maladie ou au moment du grand passage ; sans avoir pu, en présence de tous ceux avec qui il (elle) était en relation, rendre hommage à sa vie avec toute sa richesse, sa noblesse ; avec son poids d’amour, de générosité, de droiture, de travail, de don de soi.

Les jauges imposées pour la célébration des obsèques n’ont souvent pas permis aux familles et aux proches de se réunir autour du défunt comme ils le souhaitaient et c’est pour eux une grande souffrance.

A l’approche de Noël, plébiscité par beaucoup comme un moment privilégié et quasi sacré pour la famille, n’oublions pas ceux qui vivent cette épreuve du deuil en nous rapprochant d’eux, en leur témoignant notre proximité, notre sympathie, notre amitié et en parlant avec eux – c’est ce qu’ils attendent – de celui ou celle qui est  passé(e) sur l’autre rive, pour évoquer son souvenir et les moments heureux partagés ensemble.

Nous pouvons bien sûr les porter dans notre prière personnelle et aussi communautaire à chaque messe où une intercession (memento) est présentée à Dieu « pour nos frères et sœurs défunts » qui sont maintenant dans la Lumière, la Paix et la Vie qui n’a pas de fin. Cette espérance est au cœur de notre foi fondée dans le mystère pascal du Christ qui, le premier, est passé de la mort à la Vie, entraînant dans sa Pâques ses frères en humanité.

Certains diront qu’il est curieux de parler de la mort au moment de Noël. Pas tant que ça !

Sur les icônes de la Nativité dans l’Orient chrétien, l’Enfant-Jésus est couché, non pas dans une mangeoire ou un berceau, mais dans un tombeau,  son corps est entouré de bandelettes, cela pour évoquer déjà le mystère pascal.

Il n’y a pas loin de la crèche à la croix : le Christ naît parmi les hommes pour les sauver, les arracher à la mort et les faire participer à la Vie de Dieu, d’où l’expression d’un Père de l’Eglise, saint Athanase, qui rappelle que « Dieu s’est fait homme pour que l’homme devienne Dieu ».

 

Chanoine Christian PORTIER.