5ème dimanche du Temps Ordinaire (C) – 09 février 2025

 Textes du jour : Is 6, 1-2a.3-8 — Ps 137 (138), 1-2a, 2bc-3, 4-5, 7c-8 — 1 Co 15, 1-11 — Lc 5, 1-11

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« Eloigne-toi de moi, Seigneur, car je suis un homme pécheur ». dit Pierre, en tombant à genoux aux pieds du Christ et comme en écho, Paul de Tarse, le grand Saint Paul, le fondateur des premières communautés chrétiennes autour de la méditerranée écrit à la communauté de Corinthe que le Christ lui est même apparu, en se désignant comme le plus petit des apôtres et surtout comme avorton. Pierre et Paul, les premiers piliers de l’Eglise, l’un qui sera choisi par le Christ comme première pierre de l’Eglise et l’autre à qui le Christ apparaîtra après l’ascension. Pierre qui reniera Jésus après son arrestation et Paul qui commence sa carrière en pourfendant les premiers chrétiens. C’est un étrange choix du Christ. L’un dit aux pieds de Jésus qu’il est un grand pécheur et l’autre écrit qu’il n’est pas digne d’être appelé apôtre.

Les textes de ce jour permettent d’éviter une confusion et une illusion sur ce qu’est être chrétien.

La confusion consiste à attendre d’être parfait pour être chrétien, à tout faire pour se débarrasser une fois pour toute de son péché, à chasser impitoyablement en nous toute marque d’impureté. Cette confusion peut être terrible, car cette chasse à l’impureté peut confiner à l’obsession. Toute notre énergie est alors consacrée à détecter la moindre impureté et nous ne faisons plus rien d’autre dans notre vie que fuir l’impureté jusqu’au moment où nous nous rendons compte de que nous n’y arriverons pas. Alors vient la tentation du désespoir avec cette funeste idée que nous sommes perdus à jamais.

Quant à l’illusion, elle consiste dans l’aveuglement à notre péché. Nous nous justifions continuellement dans tout ce que nous faisons pour en arriver à la conclusion que nous faisons partie des justes. Nous sommes alors contents de nous, sans aucun doute et sans aucune mauvaise conscience.

Ces deux attitudes face au péché sont deux manières de ne pas s’accepter tel que l’on est. Une part de nous-mêmes est insupportable, celle qui porte notre péché. Ou bien nous la pourchassons en vain et nous entrons dans la détestation de soi, ou bien nous la nions et nous nous mentons à nous-mêmes.

Le péché, notre péché, comment vivre avec ?

Il est vrai qu’il n’est pas facile de vivre avec notre péché dans une société qui exige que nous soyons parfaits en famille, au travail, à l’université, à l’école, au collège ou au lycée ou dans nos communautés chrétiennes.

Il est vrai aussi qu’il y a une tentation d’instrumentaliser le péché et d’en faire un moyen de domination, d’oppression et de mainmise sur les âmes ou d’emprise sur les esprits.

Les textes de ce jour peuvent nous éclairer sur la manière de considérer notre péché. Car nous nous trouvons devant les deux premières grandes figures de l’Eglise, Pierre et Paul, qui se reconnaissent pécheurs.

Pierre et Paul ont fait ce travail de vérité sur eux. Et c’est un travail difficile, car l’une des caractéristiques du péché, c’est d’être masqué. Tout péché est une forme de mensonge. Parce qu’un péché, reconnaissons-le, est toujours fait volontairement. Notre volonté est toujours engagée dans le péché à la différence de la faute. Nous commettons des fautes involontairement, mais nous péchons volontairement. Et c’est parce que nous reconnaissons l’engagement de notre volonté dans notre péché au sentiment de culpabilité qui surgit que nous nous déculpabilisons par ce mensonge fait à nous-mêmes.

 Pierre tombe à genoux devant le Seigneur à la vue de la quantité de poissons. Et c’est cette quantité qui met Pierre dans l’effroi. Les deux barques enfoncent dit le texte. Ce don des poissons que le Christ vient de faire à Pierre le pêcheur met Pierre dans l’effroi car il mesure que son maître, le Christ, donne à profusion, sans compter et que ce don révèle combien le Christ l’aime. Pierre prend conscience de son péché à la lumière de l’amour du Christ, cet amour profusion. Il prend aussi conscience de la distance qui le sépare du Fils de Dieu : « Eloigne-toi de moi ! » lui dit-il. Oui, l’amour du Christ et le péché de Pierre devraient les séparer à jamais. Notre péché nous condamne-t-il à rester à jamais loin de l’amour de Dieu ? A nous séparer définitivement de cet Amour immense ? Jésus ne relève pas l’aveu de Pierre, il ne le commente pas. Car l’amour du Christ n’enferme jamais le pécheur dans son péché. Jésus apaise Pierre : « sois sans crainte ». Le Christ est venu libérer l’homme et la femme de son péché, il n’est pas venu le culpabiliser de manière mortifère. Parce que le péché est une forme de mort, de petite mort, il nous détourne de la vie. Enfermer quelqu’un dans son péché c’est l’enfermer dans ce qui est cause de mort, c’est l’enfermer dans ce sentiment de culpabilité. Et cet enfermement mené à son terme peut conduire jusqu’à la culpabilité de vivre, c’est-à-dire précisément à la mort définitive.

Pierre se reconnaît en vérité pécheur et le Christ lui répond : « sois sans crainte ». Et le péché de Pierre n’empêchera pas le Christ de le choisir comme pierre fondatrice de l’Eglise.

Paul dans sa lettre se reconnaît aussi pécheur, mais il reconnaît aussi la présence et l’action de la grâce de Dieu dans sa vie. La grâce de Dieu à permis à Paul d’être ce qu’il est. Elle lui a permis de surmonter son péché.

Dans le judaïsme, seul Dieu peut pardonner les péchés. Lorsque le Christ pardonnera à son tour les péchés, il rencontrera de vives et violentes oppositions. Mais ce même Christ partagera cette grâce du pardon avec ses disciples. Ce que nous appelons aujourd’hui le sacrement de réconciliation.

Par ce sacrement, l’amour du Seigneur se montre plus fort que nos péchés. Dans ce sacrement, cet amour est pardon de nos péchés. Ce sacrement nous relève à chaque fois, il ne nous enferme pas dans un aveu fatal et définitif. A chaque fois, la joie renaît et nous pouvons alors dire comme le psalmiste :

Ta droite me rend vainqueur.

Le Seigneur fait tout pour moi !

Seigneur, éternel est ton amour :

N’arrête pas l’œuvre de tes mains.


M. Olivier Antoine, diacre permanent