4ème dimanche de Pâques (C) – 11 mai 2025
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Si nous prêtons attention à notre foi, nous pouvons remarquer qu’elle est un peu comme une respiration. A certains moments de notre vie, elle n’est qu’un souffle ténu, fragile, imperceptible même tant Dieu nous semble éloigné voire absent de ce que nous vivons. Nos soucis nous accablent et nous éprouvons alors une cruelle solitude. Dieu semble avoir déserté notre histoire. Mais à d’autres moments, notre foi est un souffle puissant, dynamique, plein de vie et nous éprouvons alors la proximité de notre Seigneur au cœur de notre vie. Notre foi nous fait connaître la présence de Dieu dans notre vécu, présence parfois pleine et entière mais présence aussi certains jours sous forme d’une absence.
Oui, notre foi est un genre de connaissance qui nous fait découvrir qu’il y a quelqu’un dans notre vie, il y a une présence de quelqu’un d’autre dans notre cœur.
La difficulté est que cette connaissance n’est pas positive du type d’une connaissance scientifique. Et cette présence n’est pas mesurable objectivement. Dieu n’est pas un objet de science , il ne se laisse pas réduire en lois mathématiques universelles, ni observer en laboratoire par des instruments technologiques. Ah ! Si nous pouvions établir le fait scientifique Dieu, nous aurions alors résolu le mystère de la foi.
Mais Dieu ne peut qu’être l’objet de notre foi car il reste en retrait de toute saisie matérielle et sensible.
Credo : je crois.
Notre foi se fonde aussi sur un engagement de notre liberté. Nous décidons librement d’accorder notre foi en Dieu, de même que nous prenons la décision d’accorder librement notre foi dans le Christ Jésus, Fils de Dieu, mort et ressuscité pour notre salut.
Credo : je crois.
Mais notre foi n’est pas qu’une décision libre de notre part. Ce n’est pas notre foi qui librement fait exister Dieu ou Jésus-Christ par décret souverain. Notre foi se fonde aussi sur des indices qui sont des raisons de croire. Dans nos vies il y a quelque chose qui nous laisse penser qu’il y a une présence autre que notre présence. Et cette présence est souvent une parole qui résonne.
Dans cette parabole du bon pasteur, Jésus dit aux disciples que les brebis écoutent la voix du bon berger.
Oui, une voix se fait entendre au cœur de notre existence.
Dans le bruissement assourdissant de nos vies trépidantes nous n’entendons parfois plus rien ou seulement le fracas de notre Monde. Dans les fureurs des passions des hommes, nous sommes devenus sourds à toute autre parole que les discours passionnels. Parfois même devant tant de bruit nous nous bouchons les oreilles pour mettre fin à ce vacarme insupportable.
Nous sommes rarement disposés à entendre. Pour entendre, il faut d’abord se mettre en disposition d’écouter et il est bien difficile d’écouter. En premier lieu, parce qu’il faut se décentrer de soi, rompre avec cet égocentrisme naturel sans quoi nous n’écouterons que ce nous voulons entendre, nous n’écouterons que nous-mêmes.
Se disposer à écouter, c’est ensuite s’ouvrir à une autre parole que la nôtre, c’est être prêt à écouter une parole neuve, jamais entendue auparavant mais aussi une parole dérangeante, celle qui nous déplace, qui nous sort du confort bien douillet de notre moi.
Mais écouter, c’est un acte libre généré par notre liberté intérieure, liberté souveraine. Personne ne peut nous forcer à écouter et on ne peut forcer personne à écouter. Tous les enseignants le savent. Les élèves, quelque soit leur niveau, les étudiants, les écoliers, les collégiens, les lycéens restent le maître dans un amphi ou une salle de classe. Le pouvoir n’est pas du côté des enseignants. La parole de l’enseignant reste à la merci de la liberté d’écouter de l’enseigné. L’enseignant peut éventuellement forcer à faire semblant d’écouter, mais…
Choisir de se disposer à écouter : là semble être l’une des choses dont notre Monde manque cruellement.
Car l’écoute est l’une des conditions essentielles de la paix. Dans ces premiers mots entendus jeudi en toute fin d’après-midi, notre pape Léon XIV a demandé notre aide : « Aidez-nous – disait-il – vous aussi à construire des ponts, par le dialogue, par la rencontre en nous unissant pour être un seul peuple en paix ».
Dialoguer, c’est accepter d’entendre la parole de l’autre et rencontrer, c’est rencontrer un autre que soi, celui ou celle qui est différent de soi. Dans une vraie rencontre, chacun reste ce qu’il est ; il n’y a pas de rencontre si l’une des deux parties se renie et devient identique à l’autre partie : seules des différences se rencontrent. Il en est de même pour le dialogue : il n’y a pas de dialogue si les parties en dialogue disent la même chose, ni si l’une des deux parties refuse d’entendre ce que l’autre partie a à dire.
Notre pape a évoqué plusieurs fois la paix dans son discours. Il en a donné les conditions. Refuser la rencontre de l’autre, c’est refuser de rencontrer ce qui fait la spécificité de cet autre. C’est nier cette spécificité et donc c’est faire violence à l’autre. Refuser de rencontrer l’autre ou même de reconnaître son existence, c’est-à-dire l’ignorer, c’est lui faire violence. Là est une cause de la guerre.
Refuser le dialogue, c’est exiger que l’autre dise et pense ce que je pense, ou bien exiger qu’il se taise. Là aussi, c’est un facteur de guerre.
Notre pape a repris une image célèbre du pape François, celle du pont. « Aidez-nous – disait-il encore – à établir une Église qui construise des ponts ». Le pont, ouvrage construit par l’humain pour relier deux rives opposées, deux berges, deux côtés d’un précipice. Il permet d’établir une communication entre deux parties isolées.
Le dialogue est ce pont qui rend possible la paix par la communication, par la communion des esprits. Le dialogue n’a jamais été facile dans notre Église. Le texte entendu des actes des apôtres en témoigne. Paul et Barnabé attestent du refus d’une partie du peuple d’écouter la bonne nouvelle. Il est toujours possible de fermer son cœur et de refuser d’écouter la grâce de Dieu en Jésus-Christ et l’évangile. La liberté de chacun de nous est totale et souveraine. L’Église primitive, l’Église naissante est déjà en proie aux tensions. Mais l’Église, notre Église, c’est-à-dire le corps du Christ dont le Christ est la tête a toujours été parcourue de tensions. Et parfois, ces tensions ont mené ce corps jusqu’ à la fracture, jusqu’à la scission et le manteau de l’Église s’est déchiré. Si le Monde a un besoin vital de paix, notre Église aussi a besoin de la paix. Et cette paix ne peut advenir que nous nous commençons par trouver la paix intérieure. La paix commence dans la paix que l’on peut faire avec soi-même. Et la guerre tire ses racines d’une guerre avec soi-même. Tant que nous sommes déchirés en nous-mêmes, divisés d’avec soi-même, séparés intérieurement, nous ne pourrons pas être des artisans de paix.
Il faut reconnaître que parfois, ce que nous détestons chez les autres, c’est exactement cette part que nous détestons chez nous-mêmes. Et donc, prendre l’autre en haine, c’est haïr en l’autre ce que nous haïssons en nous. Le conflit vient de commencer, les ferments de guerre vont prospérer.
Le pape a repris les parole du Christ lors de ses apparitions : « la paix soit avec vous ». Et notre pape de nous dire : « c’est la paix du Christ ressuscité, une paix désarmante, humble et persévérante. »
La parole du Christ est ce moyen par lequel nous pouvons nous pacifier, ce moyen par lequel nous pouvons nous réconcilier avec nous mêmes. Parce que c’est une parole du salut, une parole qui sauve. « La paix soit avec vous » nous dit le Christ après sa résurrection. Résurrection qui annonce le salut de l’humanité et ce salut commence par le fait que nous pouvons nous pacifier, être en paix avec nous-mêmes. Le péché, la discorde, le conflit, la guerre ont été vaincus par la résurrection du Christ, ils peuvent aujourd’hui encore être vaincus. Et le bon pape Léon 14 de nous dire : le mal ne prévaudra pas.
Les brebis écoutent la voix du berger, et cette voix leur annonce la vie pleine et entière, la vie heureuse, celle qui ne sera pas interrompue par la mort, la vie éternelle. C’est la voix du salut.
La parole de Dieu, parole qui nous est adressée nous confirme d’abord dans notre existence de fils et de fille de Dieu et permet aussi de révéler ce que nous sommes et par là même ce pourquoi nous sommes fait. Notre vocation, ce pourquoi nous sommes faits, se fait jour à l’écoute de la parole que Dieu nous adresse.
Mettons-nous à l’écoute de cette parole, descendons au plus profond de notre cœur, alors nous pourrons discerner notre appel.
M. Olivier ANTOINE, diacre permanent