3ème dimanche de l’Avent (C) – 15 décembre 2024
Textes du jour : So 3, 14-18a — Is 12, 2-3, 4bcde, 5-6 — Ph 4, 4-7 — Lc 3, 10-18
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Homélie
« Or, le peuple était dans l’attente, et tous se demandaient si Jean n’était pas le Christ ». Il semble que les temps que nous vivons sont aussi des temps de l’attente. Nous sommes aussi dans une attente, et quelle que soit notre vie, quelle que soit son degré de bonheur ou de malheur nous pouvons reconnaître que nous sommes continuellement dans une attente.
Attente inquiète d’une réponse dans le cadre d’une recherche professionnelle, attente fébrile d’un signe positif en retour à une déclaration d’amour, attente pleine d’espérance d’une parole qui scellerait une réconciliation suite à une dispute qui nous laisse dans une tristesse muette, attente impatiente d’une rencontre, rencontre de celui ou de celle que l’on a pas revu depuis longtemps, ou bien de celle et de celui que l’on a jamais rencontré dans un face à face, parce qu’il/elle s’apprête à venir à la rencontre depuis un certain nombre de mois dans le ventre de sa mère et il faut encore attendre quelques semaines ou quelques jours.
Mais il est des attentes qui consument toute notre énergie, celle d’un résultat d’analyse médicale, d’une intervention chirurgicale lourde dont on ne connaît pas quelles seront les suites, d’une décision de justice qui déclarera l’innocence ou bien la culpabilité. Et enfin, l’attente d’une fin de vie qui annonce un au-delà dont toute notre foi espère enfin la Rencontre, cet ultime face-à-face avec notre Dieu créateur.
Oui, prêtant attention à chaque instant de notre vie nous pouvons reconnaître cette tension qui est faite de nos attentes joyeuses, douloureuses, tragiques, craintives aussi mais toujours riches d’espérance. Cette tension nous tourne vers l’avenir et nous interdit de nous contenter de notre présent aussi heureux soit-il. Il nous interdit de nous arrêter à l’instant présent. Nous sommes des nomades. Le peuple de l’humanité est un peuple en marche, tendu vers l’avenir. Ce peuple auquel nous appartenons ne s’est jamais sédentarisé. Mais ce nomadisme n’est plus celui de l’espace, il est celui du temps. Toutes et tous, nous sommes sur la route du temps et nous y marchons à notre rythme, certains courent à perdre haleine vers un futur tant espéré, d’autres claudiquent, ils ont une canne, où sont poussés en chaise roulante par les aidants, les tous petits enfants sont dans les bras de leur père ou de leur mère, les petits sont sur les épaules de leur mère ou de leur père, les frères aînés tiennent leurs petites sœurs par la main et les sœurs aînées guident leurs petits frères. D’autres encore prennent leur temps pour profiter de chaque instant qui passe.
Et si nous prêtons attention à notre attente du moment nous devons admettre qu’elle est tournée vers un avenir meilleur. Nous n’attendons jamais le pire. Car si nous pressentons la venue du pire, nous le craignons. L’avenir n’est craint que parce qu’il peut nous faire vivre une situation pire que celle que nous éprouvons. C’est la raison pour laquelle nous cherchons tous les signes annonciateurs d’un meilleur dans notre présent.
Ce grand moment de la réouverture de la cathédrale notre Dame de Paris samedi dernier a été l’occasion pour les chaînes de télévision d’un retour aux heures tragiques du lundi 15 avril 2019.
Sidération, stupéfaction, effarement, larmes et sanglots… Croyants, non croyants, agnostiques ou même athées, personne n’était indifférent à ces flammes et aux fumées jaunâtres qui s’élevaient dans le ciel bleu au coucher du soleil. Ce n’était pas qu’un passé qui se consumait, c’était un présent qui s’écroulait en même temps que la flèche emmenant avec elle les voûtes de la croisée du transept. Alors, éprouvant ces images terribles, avions nous encore la force d’attendre un meilleur avenir ? Y avait-il même encore quelque chose à attendre ?
Et pourtant, une image montrée de l’intérieur de la cathédrale notre Dame de Paris une fois l’incendie vaincu par le courage et la vaillance des pompiers de Paris peut attirer notre attention. Cette image, c’est celle de la nef, avec au premier plan l’éclat des casques de pompiers, nef grise de la suie de l’incendie, sol jonché des poutres calcinées et des pierres de la voûtes, l’eau utilisée pour éteindre les flammes s’écoulait en cascades. Spectacle de ruines… Mais au fond de la nef, une lumière attire le regard, c’est celle de la croix dorée sur le maître-autel dans le chœur. Oh, bien sûr, la dorure était patinée par la suie mais elle brillait dans la pénombre. Et sur la droite, adossée au pilier sud-est du transept la statue de la vierge à l’enfant, appelée la vierge au pilier. A ses pieds un monceau de débris de la charpente et de la voûte. La statue aurait du être emportée par ces débris. Mais elle ne l’a pas été. Dans cette cathédrale en ruine, ces deux éléments n’ont pas été détruits. La vierge à l’enfant qui révèle que Dieu choisit de cheminer avec nous par l’intermédiaire de Marie, c’est-à-dire la Nativité et la croix qui affirme que Dieu a choisi de vivre jusqu’au bout, notre humanité, en totalité, jusque dans sa dimension de souffrance physique et son aboutissement la mort, mais la croix annonce la Résurrection, c’est-à-dire Pâques.
La cathédrale est détruite mais dans ses ruines les deux grands signes le la présence de Dieu dans le monde ont été manifestés et n’ont pas disparus dans la tourmente de l’incendie. La vierge à l’enfant et la croix du maître-autel, Noël et Pâques, la naissance du sauveur et sa résurrection. L’aboutissement de notre attente, le bout du chemin de notre vie, l’arrivée définitive où enfin notre attente peut être comblée.
Cette cathédrale brûlée est peut-être l’image de nos vie. Parfois nos vies sont dévastées, tout s’est effondré et nous nous demandons si Dieu n’a pas déserté nos vies. Mais nos vies, de la plus heureuse à la plus triste, sont marquées de la présence du Seigneur. Quelque part dans nos vies se dresse la croix du Seigneur. Croix annonciatrice de la résurrection. Et toutes nos petites morts qui marquent notre existence ne l’emporteront pas. Comme l’incendie n’a pas emporté la croix. Parce que c’est la résurrection du Christ qui a tout emporté, la croix, signe de la mort, a été abolie, mais aussi parce que le Christ nous a promis à nous aussi la résurrection et la vie du monde à venir.
De même dans nos vies, de la plus vide de sens à la plus heureuse, la vierge et l’Enfant s’y trouvent aussi. Et Dieu se rend présent dans nos vies. Oh, pas selon l’imagerie facile d’un Dieu ayant la toute puissance magique d’un héros disposant de capacités surhumaines. Non, un Dieu discret. La discrétion de Dieu le rend présent dans nos vies comme Dieu s’est discrètement rendu présent lors de la Nativité sous l’aspect de l’Enfant. Et tout cela s’est fait grâce à Marie. La vierge à l’Enfant, c’est Marie qui présente l’Enfant-Sauveur à l’humanité. La vierge à l’Enfant, c’est Marie qui tourne le Christ vers nous, le Christ, le sauveur du monde, notre sauveur pour chacun de nous. Dans nos vies sachons repérer aussi la présentation du Christ par Marie, à travers les rencontres que nous faisons. Sachons être les bergers qui, les premiers, sauront reconnaître le Christ parce que Marie présente l’Enfant aux bergers. Sachons aussi nous mettre en route pour rencontrer l’Enfant comme le feront les Mages. Marie présente alors l’Enfant aux Mages qui plieront le genou devant le Fils.
C’est au pied de la Vierge au pilier dans la cathédrale Notre Dame de Paris dans la soirée du 25 décembre 1886 que Paul Claudel éprouve dans sa chair la réalité du Dieu amour : « En un instant mon cœur fut touché et je crus ». Il ajoute : « J’avais eu tout à coup le sentiment déchirant de l’innocence, de l’éternelle enfance de Dieu, une révélation ineffable. » Marie avait présenté l’Enfant-Dieu à P. Claudel.
Olivier Antoine, diacre permanent