33ème dimanche du Temps Ordinaire (C) – 16 novembre 2025

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AELF :
Association Épiscopale Liturgique pour les pays Francophones

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Messe présidée par le père Luc Forestier, oratorien

Homélie non transcrite

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Homélie du Jour du Seigneur   >>>>>  ICI

Révolution copernicienne

Tout commençait plutôt bien. On imaginait presque un soleil de printemps réveiller les pierres du Temple de Jérusalem. Jésus avec ses disciples, en touristes émerveillés, un peu comme nous lors des journées du patrimoine, commentaient joyeusement “ très impressionnantes ces belles pierres et ces ex-voto qui décorent ses murs ! waouh ! “. L’ambiance était badine. Et voilà que Jésus déclare : « Ce que vous contemplez, des jours viendront, il n’en restera pas pierre sur pierre : tout sera détruit. »

À défaut de casser le temple, Jésus casse l’ambiance. Il nous fait basculer dans un nouveau registre : guerre, conflits, famine, tremblement de terre, persécutions, avec des faux prophètes et des manipulateurs… J’ai bien perçu, cependant, pour vous permettre d’échapper à la déprime, votre sourire, chers amis, quand la dernière phrase disait : “pas un cheveu de votre tête ne sera perdu.” Suis-je moi-même légitime à vous parler ce matin ?

Bref, la Parole de Dieu de ce matin est donc bien étrange. Où donc est l’espérance, alors que nous sommes acculés bien souvent aux murs angoissants de l’actualité ?

« Ce que vous contemplez, (…), il n’en restera pas pierre sur pierre : tout sera détruit. » Cette parole résonne étrangement dans cette église, car, il y a 107 ans, en 1918, l’église de ce village de Richebourg, situé à proximité du front, n’était que ruines. Elle fut la première reconstruite sur ces terres désolées des combats de la première guerre mondiale. Parmi les victimes civiles et militaires, des soldats indiens et portugais, ont trouvé ici la mort, comme témoins involontaires d’un chaos civilisationnel. On imagine sans peine, aux lendemains de la fin de cette boucherie, le courage et la détermination des bâtisseurs de cette église, l’opiniâtreté des habitants meurtris pour redonner du sens, une âme et un souffle de résurrection à Richebourg. C’était il y a plus de 100 ans et nous pourrions en d’autres lieux et d’autres temps trouver des histoires semblables.

Au risque de vous surprendre, les guerres, conflits et tremblements de terre ne sont donc pas des réalités de la fin, mais de tous les temps. C’est l’ordinaire de l’histoire tragique des peuples.

“Tout sera détruit”. Et nous pouvons, aussi incroyable que celui puisse paraître, être fascinés par la destruction. N’entendre plus que cela. Ne voir plus que cela. Comme si l’anéantissement possédait un pouvoir d’attraction. Ne nous arrive -t-il pas d’être dans cette pulsion de mort, cette tendance à tout vouloir voir s’écrouler et que rien ne perdure ?

Je vous invite alors à opérer une révolution copernicienne. c’est-à-dire, vous le savez, de passer du modèle géocentrique – la terre est au centre – au modèle héliocentrique, – c’est le soleil. Le prophète Malachie dans la première lecture m’a inspiré cette idée quand il écrit : « ni racine ni branche aux arrogants et le Soleil de justice se lèvera. »

Il s’agit de se tourner vers le soleil !

Le mouvement profond de la vie est donné non par les soubresauts de la terre mais par une dynamique qui vient du Ciel et du Soleil. La perspective est renversante, copernicienne et heureuse.

Au milieu des tribulations qui sont le régime ordinaire de ce monde qui passe, ne nous laissons pas tétaniser par les sirènes de la peur. Laissons-nous inviter à nous réorienter vers Celui qui est pour nous le Soleil de Justice, vers Jésus qui nous promet de nous “donner un langage et une sagesse à laquelle personne ne pourra ni résister ni s’opposer”. Se laisser réorienter, appelons cela en langage chrétien la conversion, le fait de se tourner, de se retourner vers la vie et la lumière. Au baptême, nous le proclamons : “arraché aux ténèbres, que le futur baptisé soit introduit dans le Royaume de lumière !”

Le royaume de lumière révélé et inauguré par Jésus. Et parce qu’il est une lumière délicate, humble et respectueuse, parce qu’il est le visage de l’amour, notre soleil de justice, lui, Jésus, ne fascine pas comme l’idole de la mort, mais il fait appel à ce qu’il y a de plus noble en nous : notre désir d’aimer, caché dans le sanctuaire de notre cœur. Ce sanctuaire-là a les promesses de la vie éternelle. Ni la mort ni la vie, (…), ni le présent ni l’avenir, ni les puissances, ni les hauteurs, ni les abîmes, ni aucune autre créature, rien ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu qui est dans le Christ Jésus notre Seigneur.

Frère Thierry Hubert, dominicain