2ème dimanche du Temps Ordinaire (C) – 19 janvier 2025

 Textes du jour : Is 62, 1-5 — Ps 95 (96), 1-2a, 2b-3, 7-8a, 9a.10ac — 1 Co 12, 4-11 — Jn 2, 1-11

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Le texte de l’évangile de ce jour est l’une des plus connus du Nouveau Testament. Et pourtant, à chaque lecture, il est comme nouveau. Nous le découvrons comme si c’était la première fois que nous l’entendons. Il y a une nouveauté radicale sans cesse recommencée dans ce texte. Cette nouveauté radicale provient peut-être du fait que ce passage de l’évangile évoque un événement traditionnel qui existe dans toutes les cultures : le mariage. Et nous connaissons ce qu’est un mariage, nous en avons des représentations. D’abord nous nous représentons les participants : les mariés, les parents des mariés, la famille, les amis, les disciples de Jésus, sa mère, les représentants de la synagogue, les habitants du quartiers ou du village. Tous ces visages joyeux et radieux. Puis nous nous imaginons les moments de ce mariage : les paroles des époux qui s’engagent, celles des parents, la musique éventuellement, les danses traditionnelles, les tables sur lesquelles les plats de victuailles sont disposés et bien sûr le vin. Pour un peu, nous y participons-nous aussi à ce mariage comme si nous y étions invités, en spectateurs. Nous sommes dans un angle de la cour où la noce se déroule, ou bien dans un coin de la salle et on observe, espérant voir Jésus assis sur un banc Marie, sa mère à ses côtés et de l’autre côté Simon Pierre avec les disciples. Oui, merveilleuse incarnation que celle du Christ-Jésus. Une incarnation toute en modestie, tout Fils qu’il est, il est à sa place, celle d’un invité, il doit se réjouir avec tous les convives : le Christ se réjouit de cette noce. Le Fils de Dieu incognito au milieu des humains qui festoient en ce jour de noces. Jésus vrai Dieu et ici en ce jour de mariage vrai homme.

Nous pourrions nous attendre à autre chose de la part d’un Dieu. Que Jésus manifeste sa part divine. Qu’il soit repéré comme le Messie, mais non. Sa divinité se manifeste par cette modestie de vivre pleinement ce que nous vivons nous autres, les humains. Cette modestie de Jésus est une leçon sur ce qu’est la vraie divinité. Nos catégories de pensée font de la divinité une toute puissance dotée de pouvoirs extraordinaires capable de bouleverser l’ordre des choses. L’épisode de la traversée de la mer rouge en est une illustration : (Exode 14, 21-27). « Moïse étendit sa main sur la mer, et l’Eternel fit souffler sur elle pendant toute la nuit un violent vent d’est, qui refoula la mer de sorte que les eaux se fendirent et que le fond apparut.  Les Israélites passèrent au milieu de la mer, sur la terre ferme, alors que les eaux se dressaient comme des remparts à leur droite et à leur gauche ». Cette description rend compte de la puissance de Dieu sur l’ordre des choses.

Mais ici, rien de tout cela et le miracle de Jésus qui fait de l’eau du vin et du bon vin passe inaperçu. Le maître du repas pense même que ce bon vin est le choix du marié. Qui connaît ce qui s’est réellement passé ? Marie, mère du Christ, Jésus bien-sûr, les serviteurs qui ont rempli les jarres et peut-être les disciples mais le texte ne le mentionne pas. Mais les convives de la noce et les mariés ne le savent pas. Cette toute puissance divine capable de changer l’eau en vin au fond passe inaperçue. Et plusieurs fois, Jésus rappellera que l’essentiel n’est pas les signes miraculeux, mais c’est le salut assuré par la foi en Christ. « Va, ta foi t’a sauvé ». Là se trouve la toute-puissance du Christ, Fils de Dieu. La puissance du salut. Seul Dieu sauve l’humanité des forces de mort qui la mettent en péril et le Christ, fils de Dieu est le salut de notre humanité, sa résurrection en est la preuve. Mais tout cela reste invisible. Les miracles eux sont visibles et nous sommes comme la foule, nous réclamons des miracles, nous aimons le merveilleux.

Jésus en fait des miracles, il a rendu la vue aux aveugles, il guérit les membres, des mains qui recouvrent leur capacité, des pieds qui permettent de se mettre debout. Il libère les paralysés de leur infirmité, les lépreux de leur lèpre.

Mais alors, si l’essentiel est le salut, pourquoi les miracles ? Et pourquoi ce miracle du changement de l’eau en vin qui n’est pas une guérison ou une réanimation après une mort comme celle de Lazare ? Ils n’ont plus de vin. Nous pouvons en déduire que les convives ont bu toute la réserve. Est-ce si important de renouveler les réserves de vin ? Et puis, six jarres… 600 litres de vin, ce qui fait 800 bouteilles de 75 centilitres, soit 133 cartons de 6 bouteilles. Bien sûr, ces chiffres sont symboliques : ce que donne Dieu est toujours profusion, abondance. Le Christ fait en sorte que nous ayons la vie en abondance, ici la vie donnée en abondance se trouve dans le vin.

C’est un miracle très étrange qui aurait pu ne pas se produire. Jésus a-t-il vu qu’ils n’ont plus de vin ? Si sa mère le prévient, c’est que vraisemblablement, il ne l’a pas vu, ce n’est pas une préoccupation pour lui, et ce qu’il répond à sa mère semble signifier qu’il n’est pas décidé à faire quoi que ce soit. Il le dit à sa mère mais Marie prend une initiative contraire à ce que vient de lui dire Jésus.

Pour tenter de comprendre ce miracle très étrange, miracle qui ne devait pas se produire, il faut en revenir au projet de Dieu. Dieu le Père a eu besoin de la coopération de Marie et de Joseph pour accueillir son Fils. Et cette coopération implique la reconnaissance de la liberté de l’homme. Dieu ne fait rien sans la coopération librement consentie de l’homme et Marie est la première à accepter cette coopération. Et en cela, Dieu reconnaît la liberté de l’homme, il reconnaît que tout homme et que toute femme est capable de se déterminer par lui-même, par elle-même. Et ce dialogue qui n’est est pas vraiment un, entre Marie et Jésus participe de cette coopération. Marie a besoin de la coopération de Jésus pour que la noce s’accomplisse. Et le Fils coopère avec l’humanité.

La coopération est cette relation particulière par laquelle deux parties se viennent en aide de manière librement consentie. L’une des parties ne peut réaliser seule son projet, elle a besoin de l’autre partie.  

C’est le choix de notre Dieu qui n’est pas celui instaurant une relation de pouvoir entre Créateur et créatures, mais une relation de coopération. Chaque partie coopérante prend en charge sa responsabilité, et pour nous, les humains, cette responsabilité nous grandit en humanité.

Le ministère de Jésus débute avec le changement de l’eau en vin et il se termine avec le changement du pain en Corps du Christ.

Le vin est celui de la vie éternelle et le pain est celui de la participation au Christ.

Pour que nous ayons la vie en abondance.

M. Olivier ANTOINE, diacre permanent