22ème dimanche du Temps Ordinaire (B) – 1er septembre 2024

Textes du jour : Dt 4, 1-2.6-8  — Ps 14 (15), 2-3a, 3bc-4ab, 4d-5 Jc 1, 17-18.21b-22.27 — Mc 7, 1-8.14-15.21-23

« Vous n’ajouterez rien à ce que je vous ordonne et vous n’y enlèverez rien, mais vous garderez, les commandements du Seigneur votre Dieu tels que je vous les prescris » avons-nous entendu dans la première lecture.

La loi est donnée par Dieu, elle est parfaite, comme Dieu est parfait. Logiquement, nous, les humains, imparfaits, n’avons pas à y changer quoi que ce soit. La parole de Dieu a été donnée par Dieu lui-même à son peuple sous forme de loi. Le premier logos divin a été gravé dans la pierre par Dieu lui-même. Souvenons-nous de cet épisode évoqué dans le livre de l’Exode où Moïse appelé par Dieu monte en haut de la montagne du Sinaï pour recevoir les tables de la loi dont les premiers commandements sont connus sous l’appellation des dix commandements. Mais le livre du Deutéronome, écrit vraisemblablement à la fin du 8ième siècle, comporte aux environs de 200 commandements et les spécialistes estiment que dans le premier testament se trouvent 613 commandements.

Les humains ont perçu la loi comme parole première donnée par Dieu aux hommes. Et la fonction d’une loi est de séparer. Séparer ce qui est légal de ce qui ne l’est pas, séparer les actes légaux, ceux que l’on peut faire et les actes illégaux, ceux que l’on ne peut pas faire. Et ce que l’on ne peut pas faire, par une espèce de glissement moral, nous le qualifions de mal. Mais, il n’y a pas de loi sans sanctions infligées à celles et ceux qui transgressent la loi. Et par un même glissement logique mais irréfléchi et dangereux, transgresser la loi donnée par Dieu, c’est transgresser l’ordre du sacré, transgresser l’ordre du divin. La peine pour ceux qui commettent cette transgression doit être terrible et bien souvent elle se conclut par la mort. Cette logique terrible, inhumaine et meurtrière va à l’encontre du sens même de la création de l’homme et de la femme par Dieu.

Dieu a créé l’humanité libre. Si libre même qu’elle peut tourner le dos à Dieu en choisissant de se déterminer par elle-même, si libre même que notre humanité a le choix de faire sa propre histoire en ignorant la parole de Dieu. De même que l’amour des parents pour leurs enfants leur commande de les laisser faire leurs propres choix même si cela leur brise le cœur. De même l’amour créateur de Dieu lui commande de laisser sa création aller selon sa propre volonté même si cela brise le cœur de Dieu. Et ce vendredi où le Fils expirait sur la croix, le Père devait avoir le cœur meurtri et brisé. La loi de l’amour est la même que celle de la liberté : qui aime, laisse l’aimé libre de ses choix. C’est le commandement de l’amour.

Jésus, dans l’évangile de ce jour, nous donne une clé de compréhension de ce qu’est la Loi donnée par Dieu. Cet évangile permet d’entrer dans l’intelligence de la loi divine. Le Christ l’a dit lui-même. Il n’est pas venu abolir la loi mais l’accomplir. Et en cela, par cet évangile, le Christ nous aide à grandir dans notre foi. Nous devons devenir adulte dans la foi. Comme le petit enfant qui commence son éducation par appliquer la loi de ses éducateurs, de ses parents sans comprendre : pourquoi se laver les mains avant de passer à table, pourquoi se brosser les dents avant de se coucher. Et puis l’intelligence de la loi se fait jour en lui. C’est une question d’hygiène et de santé. Le brossage des dents régulier éloigne de la roulette du dentiste et le lavage des mains diminue la prolifération des virus. Une loi n’est légitime que si elle fait sens.

La réponse que fait Jésus aux pharisiens et aux scribes éclaire le sens de la loi divine. Pourquoi les disciples de Jésus ne respectent-ils pas la tradition de se purifier les mains avant de prendre le repas ? Dans sa réponse en se référant à Isaïe, Jésus se conforme à la tradition d’interprétation des textes de la torah, il se hisse au même niveau d’autorité que les pharisiens et les scribes. Jésus accuse les pharisiens et les scribes de laisser de côté les commandements de Dieu, leur cœur est loin de Dieu faisant référence à la parole d’Isaïe. Mais pourtant ils appliquent à la lettre ses commandements ! Oui, mais le respect de la loi ne reste qu’au niveau de l’apparence. Et comme le dit l’expression, le cœur n’y est pas. Et comme il y a une intelligence du cœur, l’intelligence n’y est pas non plus. On peut donc respecter la loi de Dieu de manière purement et uniquement formelle. Sans s’engager de tout son être, en y comprenant rien. C’est une parfaite image de l’hypocrisie religieuse qui nous guette toutes et tous. Ce rapport inintelligent à la loi commande à ce moment-là un pur mécanisme de réflexe conditionné. Nous sommes dans ce cas devenu une machine et une machine n’est pas humaine. Jésus le rapporte dans l’évangile de ce jour, nous laissons de côté les commandements de Dieu pour nous attacher à la seule tradition des hommes.

La loi donnée par Dieu ne fait donc pas sens en elle-même. Elle peut devenir un ritualisme désincarné, c’est le danger pointé par Jésus. Cette loi donnée par Dieu ne fait sens que si elle est attachée au premier des commandements : « tu aimeras ton Dieu de tout ton cœur, de tout ton âme et de tout ton esprit » et Jésus, dans l’évangile de Matthieu au chapitre 22, fait suivre ce commandement du second en affirmant qu’il est semblable au premier : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même ». Si nous n’attachons pas ces deux commandements qui sont liés alors la parole de Jésus se référant à Isaïe est pour nous : « Ce peuple m’honore des lèvres mais son cœur est loin de moi. C’est en vain qu’il me rend un culte ».

Oui, aimer Dieu et aimer son prochain est indissociable, rompre ces deux commandements qui n’en font qu’un, c’est ne pas comprendre que la loi divine est un moyen d’augmenter notre humanité et donc de s’éloigner d’une déshumanisation toujours possible. Parce que la loi divine est faite pour nous les femmes et les hommes. Elle est faite pour que nous devenions toujours plus humains, plus fraternels, plus aimant les uns des autres. La loi donnée par Dieu à Moïse peut réaliser l’augmentation de notre humanité parce qu’elle s’enracine et se nourrit de ces deux commandements qui n’en font qu’un : aimer Dieu et son prochain. La lettre de Jacques donne un exemple concret de ce qu’est l’amour du prochain : « visiter les orphelins et les veuves dans leur détresse ».

La première parole de Dieu donnée aux humains fut la loi de Moïse. Et Jésus est venu incarner cette loi. Jésus, verbe de Dieu, logos divin, est bien venu accomplir cette loi qui n’est plus un texte formel à appliquer strictement à la lettre mais une règle de vie, une règle pour mieux vivre d’abord avec soi-même, mais aussi avec nos proches. N’est-ce pas là, la nature que devrait avoir toute loi ? Faciliter la vie avec soi-même et avec les autres. Telle doit être la loi de Moïse et telle doit être notre foi de femmes libérées et d’hommes libérés par le Christ.

Le Christ en accomplissant la loi de Moïse est venu nous libérer des forces de mort. Oui, cette loi accomplie par le Christ libère et nous libère avant tout de toutes ces forces qui s’opposent à la vie.

Et pour se libérer des forces de mort que nous portons, nous devons d’abord les reconnaître. Non, nous ne sommes pas purs, mais nous pouvons nous purifier. Non, nous ne sommes pas libres, mais nous pouvons nous libérer. Ce que dit Jésus à l’écart de la foule à ses disciples est terrible, mais aussi terriblement vrai.  Notre cœur porte des forces de mort. Et Jésus les énonce. Ce qu’il dit est insupportable, parce qu’à la fois, nous savons qu’il dit vrai et notre narcissisme en prend un sacré coup mais à la fois, ces forces de mort, nous nous les cachons à nous-mêmes et donc nous disons que Jésus se trompe… Tout ce mal dans mon cœur, ce ne peut être que faux.

Mais si Jésus nous révèle à nous-mêmes ce que nous sommes, ce n’est pas pour nous enfermer dans notre péché. Mais c’est pour nous libérer.

Parce que la loi libère et la libération totale de notre péché peut s’accomplir par la loi totale : celle de l’amour.

Le Christ incarne la loi de l’amour qui commande de donner sa vie pour ceux qu’on aime. Cette incarnation mènera Jésus sur la croix et dans le tombeau.

Mais au matin de Pâques, l’amour du Père pour son Fils le ressuscitera.

M. Olivier Antoine, diacre permanent