14ème dimanche du Temps Ordinaire (B) – 07 juillet 2024


Textes du jour : Ez 2, 2-5 — Ps : 122 (123), 1-2ab, 2cdef, 3-4 — 2 Co 12, 7-10 — Mc 6, 1-6


Un rendez-vous raté !

Telle est bien la scène qui nous est relatée dans l’Evangile de ce dimanche.

Jésus est de passage dans son lieu d’origine, c’est-à-dire à Nazareth, où tout le monde le connaît car c’est là qu’il a grandi ; qu’il a joué avec les enfants de son âge ; qu’il a fréquenté la synagogue du village ; qu’il a appris le métier de charpentier qu’exerçait Joseph, et tout cela pendant 30 ans. Aujourd’hui Jésus est revenu parmi les siens : Marie et Joseph, ses voisins, sa parenté : cousins et cousines que la tradition biblique appelle ses frères et ses sœurs.

Le jour du sabbat, à la synagogue, Jésus se lève et prend la parole pour enseigner. Tous remarquent son aisance, l’autorité de sa parole et sa sagesse. Les gens qui sont là ne sont pas sans savoir aussi que sa renommée grandit partout dans le pays et qu’il attire les foules à cause des miracles qu’il réalise …

Si l’enseignement de Jésus ce jour-là est fort et éclairant, ça n’imprime pas chez ceux qui l’écoutent et ils sont même « profondément choqués à son sujet » affirme l’évangile.  Pourquoi ?

Tout simplement parce que ces gens dans la synagogue le connaissent : il est de chez nous ; c’est l’un des nôtres, c’est un enfant du village… ce n’est pas possible qu’il parle de cette façon, qu’il soit prophète, et encore moins Messie de Dieu.

En fait, ses compatriotes de Nazareth croient le connaître. Ils enferment Jésus dans une case, dans des préjugés, dans des idées toutes faites sur sa personne. Ils refusent d’accueillir le message qu’il leur transmet. Ils n’acceptent pas que Jésus soit autrement que ce qu’ils croyaient qu’il était, qu’il leur échappe en quelque sorte… comme cela arrive parfois dans les familles quand un des enfants ne correspond pas à l’attente des siens, choisit une orientation inattendue, répond à une vocation que ses parents n’avaient pas prévue pour lui.

Je me souviens de cette maman qui m’a appelé désespérée parce que son fils est homosexuel et qu’il s’était mis en couple avec son ami. Cette femme était, elle aussi, « profondément choquée » et il lui a fallu des mois pour comprendre, pour accepter la situation de son fils, pour abandonner ses préjugés et ses peurs concernant le « qu’en dira-t-on » et le regard de Dieu sur son fils, ainsi que sa place dans l’Eglise.

A Nazareth, malgré l’accueil qui lui est réservé et le manque de foi des ses compatriotes, Jésus ne se décourage pas car il n’a pas d’autre ambition que de transmettre fidèlement et quoiqu’il en coûte le message reçue de son Père du ciel, message inouï qui invite tous les hommes à entrer dans l’intimité de Dieu, à accueillir son Amour, sa Miséricorde, son Pardon et la Vie en plénitude qui est la sienne depuis toute éternité mais que le Seigneur veut partager avec chacun. Certes cela bouscule, remet en question, appelle à un retournement, à une conversion.

Il me semble que ce passage d’Evangile nous invite à réfléchir sur notre propre relation au Christ et sur notre foi.

Ne sommes-nous pas, nous aussi, des familiers de Jésus ?

Par l’éducation chrétienne que nous avons reçue, par notre pratique religieuse depuis des années, par nos lectures, nous pensons connaître Jésus.  Nous savons effectivement un certain nombre de choses sur lui. Quand on nous interroge sur notre foi, nous sommes sans doute capables de donner des réponses, des définitions, des informations sur Jésus. Mais du coup, est-ce que nous ne l’avons pas finalement enfermé dans des mots, des formules, des idées toutes faites ou de fausses images ?

Or Jésus est beaucoup plus que ce que nous savons de lui. Il ne s’enferme dans aucune définition, dans aucune donnée théologique.

Connaître quelqu’un c’est entrer dans une relation profonde avec lui, c’est être capable de l’écouter vraiment (et pas seulement l’entendre).

Connaître quelqu’un c’est aussi lui donner une véritable place. Or quelle place Jésus a-t-il effectivement dans notre vie ?

Connaître quelqu’un c’est également admettre que nous avons besoin de lui, que nous ne nous suffisons pas à nous-mêmes.   

Connaître quelqu’un, c’est être devant lui tel que nous sommes avec nos insuffisances et nos faiblesses, nos pauvretés. Le Seigneur nous aime tel que nous sommes, Il ne s’effraie pas de nos faiblesses ni même de notre péché. Comme St Paul le rappelait dans la deuxième lecture, le Seigneur «  donne toute la mesure de sa puissance dans la faiblesse », à condition de s’appuyer sur sa Grâce ; à condition de laisser Jésus nous rejoindre sur le chemin de notre existence la plus ordinaire, comme Il l’a fait pour les disciples d’Emmaüs dont la vie a été radicalement transformée par cette rencontre qu’ils ont faite avec le Ressuscité marchant à leurs côtés.

Ne ratons pas le rendez-vous que le Christ nous propose !

Père Christian Portier, Chancelier du diocèse